Divisé, en perte de vitesse, dépassé par les nouvelles dynamiques politiques américaines. Autant de qualificatifs qui visaient, jusqu’au 8 novembre dernier, un parti républicain ébranlé par le phénomène Trump. Au lendemain du séisme électoral de la présidentielle, le diagnostic est désormais bien davantage appliqué à leurs adversaires démocrates. Aux abois, le parti à l’âne est désormais plongé en plein examen de conscience.

Une introspection dont la première étape se jouera fin février à Atlanta : le Comité national démocrate (DNC), la plus haute instance de coordination du parti, doit y élire son nouveau président ou sa nouvelle présidente. Un choix qui reviendra en somme à fixer la future stratégie nationale de la formation, notamment en vue des élections législatives de mi-mandat de 2018.

Neuf candidat-e-s (parmi lesquel-les deux femmes seulement) sont actuellement en lice pour reprendre la tête du DNC. À quelques jours de l’élection, toutefois, deux se positionnent en grands favoris : Tom Perez, ancien Secrétaire au Travail de Barack Obama, et Keith Ellison, Congressiste représentant le Minnesota. Un face à face qui fait l’objet d’interprétations diverses, et parfois contradictoires, quant à la situation du parti.

Duel d’idées ou duel de styles?

D’un côté, certains observateurs dépeignent un duel entre un «establishment» centriste (incarné par Perez) et une faction rebelle «socialiste» (représentée par Ellison). L’ancien Secrétaire au travail de Barack Obama, progressiste mais pas trop, serait un joker sorti de la manche des caciques démocrates, pour empêcher une «Bernie Sandersisation» du parti par Ellison.

Pour d’autres, autant Perez qu’Ellison sont issus de l’aile gauche démocrate, mais incarnent surtout deux parcours, deux styles, antagonistes. Perez serait l’habile politicien, expérimenté et pragmatique, héritier de l’ère Obama. Ellison, Afro-américain et musulman, proche du mouvement Black Lives Matter, serait le militant fougueux, déterminé à imposer une nouvelle vision au parti.

Mais au-delà des personnalités, c’est surtout à la réflexion stratégique qu’appelle la fonction à laquelle ils prétendent. Pièce maîtresse de la grande machine électorale démocrate, le DNC gère l’essentiel de la récolte et de l’attribution des fonds de campagne du parti, aux différents échelons du système politique américain. Désormais minoritaire au Congrès, mais aussi dans les législatures d’Etat (où les républicains dominent 67 chambres sur 98) et les postes de gouverneurs d’État (33 républicains contre 16 démocrates), le parti à l’âne doit plus que jamais revoir son plan de bataille électoral.

Pièce maîtresse de la grande machine électorale démocrate, le DNC gère l’essentiel de la récolte et de l’attribution des fonds de campagne du parti, aux différents échelons du système politique américain.

Une stratégie à 50 États, au contact des citoyens

Or, paradoxalement, Tom Perez et Keith Ellison (voire même leurs 7 autres adversaires) défendent à bien des égards une stratégie similaire : un retour au travail de terrain, au porte-à-porte, pour renouer avec la base citoyenne et ouvrière des démocrates, et l’adoption d’un discours plus «travailliste», mettant l’accent sur la lutte contre les inégalités économiques.
Tous deux prônent également le retour à une «stratégie à 50 États», à savoir une offensive de charme à travers tout le pays, et pas seulement, comme par le passé, dans les régions où le parti a le meilleur potentiel. Autant de similarités dans les propositions qui ont inspiré, chez certains élus démocrates, des critiques quant au manque d’audace, de confrontation d’idées, dans la course à la présidence du DNC.

Ce conformisme, toutefois, n’est peut-être pas aussi prononcé que peuvent le suggérer les apparences. Si Keith Ellison et Tom Perez s’accordent sur les grands principes, ils semblent toutefois diverger sur quelle ampleur leur conférer. Vis-à-vis du financement par exemple, Ellison prône l’adoption d’un modèle à la Bernie Sanders (dont il est proche), à savoir une rupture majeure (mais pas totale) avec le système des gros donateurs, pour le remplacer par de nombreuses petites contributions.

Une réputation à redorer

L’enjeu de fond, que les candidat-es n’évoquent qu’à demi-mot, est en premier lieu de restaurer la confiance de la base citoyenne vis-à-vis du DNC. Ce dernier a en effet acquis au fil du temps l’image d’un organe opaque, obnubilé par les grosses campagnes présidentielles et peu à l’écoute des sections locales du parti.

Une réputation que les primaires de 2016 n’ont pas améliorée : l’ex-présidente du comité, Debbie Wasserman-Schultz, a démissionné en juillet dernier après avoir été accusée de favoriser Hillary Clinton durant la course à l’investiture du parti. Des suspicions dont a hérité sa remplaçante, Donna Brazile, qui a secrètement transmis à Clinton les questions préparées pour un débat entre elle et Bernie Sanders.

En plus d’un grand virage stratégique, c’est donc aussi un vaste effort de transparence et d’ouverture que va devoir entreprendre le nouveau président ou la nouveau présidente du DNC. Une tâche pour laquelle chacun des deux favoris a mis en avant ses antécédents : pour Tom Perez, ses prouesses de réorganisation au Département de la Justice durant le premier mandat d’Obama, pour Keith Ellison, son travail de terrain auprès des activistes de sa ville, Minneapolis.

En plus d’un grand virage stratégique, c’est donc aussi un vaste effort de transparence et d’ouverture que va devoir entreprendre le nouveau président ou la nouveau présidente du DNC.

Moment unificateur

Quel profil charmera la majorité des délégués réunis à Atlanta? Difficile de le prédire. D’un côté, les 447 membres du DNC qui éliront leur nouveau président sont en bonne partie issus de l’establishment, et pourraient donc favoriser le candidat le plus consensuel, Tom Perez. Keith Ellison, toutefois, est soutenu par les figures ascendantes du parti, Elizabeth Warren et Bernie Sanders. Les vents qui agitent l’opinion publique américaine lui sont donc favorables.
Alors que la course à la présidence du DNC a été à plusieurs reprises pointée du doigt comme le prolongement du duel Clinton-Sanders du printemps dernier, toute la communauté démocrate espère que l’élection de samedi clôturera la dispute. Il s’agit en effet pour elle de déboucher sur un acte unificateur, en vue de l’âpre combat engagé contre la présidence Trump.