L’enquête Every last girl publiée récemment place Haïti au 105e rang sur 144 pays, notamment en raison des cas de maternité précoce particulièrement fréquents dans les milieux populaires. Ce qui contribue à exclure les filles-mères du milieu de l’éducation, à augmenter leur précarité économique et leur stigmatisation sociale, peut-on lire dans le document de l’organisme.
Une situation qui préoccupe Marie Chantale Auguste, officière technique pour Save the Children à Marchand-Dessalines en Artibonite, situé dans le Grand Nord du pays. «On se rend compte que c’est un problème assez grave. Ces adolescentes laissent l’école très tôt aussi», témoigne l’intervenante.
Selon les données de l’organisme, environ 11 % des adolescentes âgées entre 15-19 ans ont déjà eu leur premier enfant.
Afin de les inciter à adopter des pratiques sexuelles responsables, Save the Children a formé les professeur-es d’une quarantaine d’écoles sur des notions touchant la reproduction et la puberté. Ceux-ci sont chargé-es d’identifier des ambassadrices qui transmettent les leçons apprises à leurs consœurs. Les parents sont aussi invités à participer à des séances d’information suivies de discussions en groupe pour les encourager à parler de sexualité avec leurs enfants. Mme Auguste espère d’ailleurs que ce projet, avec l’appui du ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle, pourra faire partie du programme des écoles dans toutes les régions du pays.
L’organisme a aussi mené plusieurs campagnes de sensibilisation auprès de huit dispensaires de la région afin de favoriser la distribution de préservatifs sur demande. «Dans le temps, les filles ne pouvaient se présenter dans les centres de santé pour demander ça. Il a d’abord fallu former le personnel pour qu’ils acceptent d’en donner, car c’est un droit. C’est toute une lutte, mais déjà, on commence à voir que la situation s’améliore», constate Mme Auguste.
Poursuivre leurs études, malgré tout
Pour l’adolescente qui attend un enfant, le droit de poursuivre ses études est encore loin d’être acquis, déplore Marie Elyse Gelin, directrice du ministère de la Condition Féminine.«La différence, c’est qu’aux États-Unis, par exemple, les jeunes filles continuent à aller à l’école même si elles tombent enceintes. Chez nous, la culture fait que la fille enceinte n’ira pas à l’école, car le directeur ne va pas l’accepter. C’est là où se trouve le problème réellement».
Pascale Solages, coordonnatrice de Nègès Mawon, le tout premier festival féministe en Haïti, estime qu’il faudrait créer un projet de loi pour permettre à ces adolescentes de rester sur les bancs d’école pendant leur grossesse, d’autant plus que leur accès à l’éducation est parfois limité. «Moins de la moitié de la population a accès à l’éducation et définitivement, les filles sont les plus lésées. Quand une famille a beaucoup d’enfants et ne peut pas tous les envoyer à l’école, ce sont les garçons qu’on va choisir. Les filles restent au foyer pour remplir des tâches, qui, dit-on, sont réservées aux femmes», déplore la jeune militante.
En effet, le taux d’abandon scolaire des adolescents et jeunes en Haïti est très élevé, car «les familles sont dans l’incapacité de financer les études de leurs enfants sur une longue période», lit-on dans un rapport sur le site de l’Unicef.
Comme solution, le ministère de la Condition féminine dit travailler actuellement à cibler les écoles professionnelles où les jeunes femmes prises dans cette situation pourraient apprendre un métier réservé traditionnellement aux hommes. Du côté de Save the Children, on souhaite favoriser l’autonomie financière de ces adolescentes en leur permettant de développer leur sens de l’entrepreneuriat. Plusieurs ateliers de fabrication artisanale de produits ménagers et hygiéniques ont été réalisés auprès de ces jeunes femmes et leur ont permis de générer des revenus.
Une bande dessinée pour l’égalité des chances
Il n’y a pas qu’en Haïti où les jeunes filles atteignent un niveau de scolarité inférieur à celui des garçons et où elles sont souvent contraintes à effectuer de nombreuses tâches ménagères. Dans le cadre de la Semaine du développement international, la bédéiste Mélanie Baillargé présente son œuvre dans laquelle on illustre «la vie pleine de défis et de défis et de résilience des filles de 9 à 14 ans aux quatre coins du monde», peut-on lire dans l’introduction de la bande dessinée.
L’artiste s’est inspirée de seize portraits de jeunes filles provenant de dix pays, fournis par des organismes membres de l’Association québécoise des organismes en coopération internationale (AQOCI). Il y a entre autres celui d’Isabel, 14 ans, du Honduras. La jeune fille dit qu’elle se sent triste d’avoir dû arrêter l’école l’an dernier. «Ce sera toujours un plaisir de revenir travailler la terre de mes parents, cueillir le café. Mais j’aimerais bien devenir secrétaire ou encore, travailler en éducation dans ma communauté», raconte le personnage. Pendant ce temps, Rosita, l’une de ses camarades de classe, ne va plus à l’école, car «elle a déjà beaucoup à faire» en s’occupant de son petit frère Marco.
Des heures de corvée et déficit économique
En lisant la bande dessinée, on apprend que 10 % des filles âgées de 5 à 14 ans font plus de 28 heures de tâches ménagères par semaine, soit deux fois plus que les garçons. De plus, «trois filles travailleuses sur quatre ne sont pas rémunérées», peut-on lire.
Une autre statistique nous démontre à quel point l’accès difficile des jeunes filles à l’éducation nuit à l’économie mondiale. «Si toutes les filles de 10 ans qui abandonnent l’école ou ne vont pas à l’école dans les pays du Sud terminaient leur enseignement secondaire, elles entraîneraient des retombées annuelles de 21 milliards de dollars. Pourtant, 16 millions de filles entre 6 et 11 ans ne commenceront jamais l’école, soit deux fois plus que le nombre de garçons.»
Quoi faire pour que les filles du monde réalisent leur plein potentiel? Comme pistes de réflexion et de solution, l’AQOCI estime que les hommes et les garçons sont des alliés précieux pour l’automisation des filles. Et pour éviter les cas de grossesse précoces, l’AQOCI considère q’une éducation complète à la sexualité est indispensable.