En conférence de presse, le 26 janvier dernier, les représentants de Lac-Barrière ont annoncé clairement leur intention de s’opposer par tous les moyens au projet de Copper One Inc. La communauté a installé un camp de vigilance prêt du site du claim et est prête «à intervenir en tout temps pour bloquer physiquement la machinerie de Copper One» nous dit Tony Wawatie, directeur général du conseil de bande de Lac-Barrière.

Dans les heures suivant la conférence de presse des Algonquins, le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec a publié un communiqué de presse pour annoncer qu’il suspendait une seconde fois le claim de Copper One Inc. Le ministère s’est appuyé sur une disposition de la Loi sur les mines selon laquelle un claim peut être suspendu si les travaux sont empêchés ou obstrués. Suite à l’annonce du gouvernement, Copper One Inc. a signifié par voie de communiqué que le Ministère «causait illégalement un tort envers Copper One et ses actionnaires et que Copper One défendra en cours tous ses droits légaux afin de protéger tous ses actionnaires».

Le 6 février, toujours par voie de communiqué, Copper One a fait valoir ses arguments contre la décision du ministère : ses travaux ne seraient pas obstrués d’aucune façon, car la menace de blocage n’est que potentielle. La compagnie soutient avoir les moyens de contourner par hélicoptère un éventuel blocage et avoir divers recours à sa disposition pour le démanteler (c’est-à-dire par une requête en injonction et/ou par une intervention de la Sureté du Québec). Copper One annonce par le fait même avoir déposé une requête à la Cour supérieure du Québec afin de forcer le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec à lui octroyer le permis nécessaire pour construire la route forestière qui permettrait à la compagnie de rejoindre par voie terrestre le site d’exploration projeté.

La compagnie soutient avoir les moyens de contourner par hélicoptère un éventuel blocage et avoir divers recours à sa disposition pour le démanteler (c’est-à-dire par une requête en injonction et/ou par une intervention de la Sureté du Québec).

Pour l’instant, le claim est toujours suspendu, mais les Algonquins de Lac-Barrière n’en démordent pas. Leur campement est toujours en place et leur vigilance ne s’est pas abaissée d’un brin. «Si les permis sont délivrés ça va donner un signe aux Premières Nations que le gouvernement n’est pas sérieux dans ses déclarations de réconciliations» a déploré Michel Thusky, un aîné de la communauté.

Norman Matchewan (à gauche) et Michel Thusky (à droite) à l’entrée du campement de vigilance.
Émile Duchesne

De nombreux appuis

À la conférence de presse des Algonquins de Lac-Barrière, de nombreux organismes de la société civile étaient présents pour appuyer la communauté, tel que la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, le Regroupement vigilance mines Abitibi et Témiscamingue, Greenpeace Québec, l’Action boréale, le Comité citoyen de Malartic et la Ligue des droits et libertés, entre autres.

Plusieurs représentants autochtones étaient aussi sur place pour témoigner de leur appui envers la communauté. Jimmy Hunter, vice-chef du Conseil Tribal de la nation algonquine, explique : «Je suis ici pour appuyer les Algonquins de Lac-Barrière. Ils ont un des plus beaux territoires de la région. Là-bas, des orignaux et des castors, y’en a! C’est comme si on détruisait le congélateur des gens de Lac-Barrière.»

Aussi présent à la conférence de presse, Jimmy Papatie, ancien chef de Kitcisakik, a livré un vibrant plaidoyer pour soutenir les démarches de la communauté de Lac-Barrière : «On a vécu tous les traumas de la colonisation. Aujourd’hui il n’y a plus beaucoup d’endroits sur le territoire pour les Anicinapek. On a vu le gibier empoisonné. On a déjà vécu l’expérience des effets des mines [dans la région]. Tout est connecté par le réseau hydrographique. C’est le seul espace vert qui nous reste.»

Le 1er février dernier, l’Association des premières nations du Québec et du Labrador a adopté à l’unanimité une résolution appuyant les revendications de Lac-barrière.

La loi sur les mines remise en question

Les revendications de Lac-Barrière dépassent le simple cas de Copper One. «Nous voulons contester la Loi sur les mines afin qu’elle respecte nos droits ancestraux. Nous voulons davantage de consultation. Nous faisons ça pour la faune, la terre, l’eau et notre identité. Le seul compromis possible est le suivant : pas de mine sur notre territoire!» explique Norman Matchewan, conseiller au conseil de bande de Lac-barrière.

Les Algonquins ont bénéficié de l’appui de deux professeurs, Sophie Thériault et Jean-Paul Lacasse de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. Les deux universitaires s’entendent sur le fait que certaines dispositions de la Loi sur les mines étaient inconstitutionnelles. En effet, l’obtention d’un claim permettant d’acquérir unilatéralement un droit exclusif d’exploration et d’exploitation sur un territoire entrerait en contradiction avec la reconnaissance constitutionnelle des droits ancestraux des premières nations.

En effet, l’obtention d’un claim permettant d’acquérir unilatéralement un droit exclusif d’exploration et d’exploitation sur un territoire entrerait en contradiction avec la reconnaissance constitutionnelle des droits ancestraux des premières nations.

Pendant ce temps au campement de vigilance…

Au camp de vigilance algonquin, Michel Thusky, un aîné de Lac-Barrière, se souvient : «Je me rappelle qu’en revenant du pensionnat, on nous avait laissés ici. J’avais marché 50-60 km pour aller rejoindre mes parents sur leur territoire». Depuis plusieurs semaines, la communauté de Lac-Barrière entretient un campement d’une quinzaine de tentes sur un chemin forestier en bordure de la 117 dans le parc de La Vérandrye. Des patrouilles en motoneige sont faites presque quotidiennement pour surveiller toute incursion éventuelle de la minière sur leur territoire.

Une partie du campement de vigilance.
Émile Duchesne

Le projet minier suscite beaucoup de méfiance dans la communauté et plusieurs sentent que leurs droits n’ont pas été respectés. Michel Thusky explique : «Quelle réaction aurait le gouvernement du Québec si le gouvernement fédéral autorisait l’exploration minière sur les plaines d’Abraham et enterrrait le drapeau du Québec? On sent qu’on est en train de se faire faire la même chose. Québec détruit notre communauté. C’est un massacre. On a jamais consenti à ce projet-là et ça devrait être respecté. Il y a des conventions internationales que le gouvernement devrait respecter. On ne consentira pas à l’exploitation des ressources non renouvelables» soutient l’aîné.