Des policiers armés de fusils d’assaut et escortés par un blindé léger, l’image est désormais commune aux États-Unis. Elle prend toutefois une nouvelle dimension, avec l’entrée un fonction d’un Donald Trump qui aspire à être le président de «la loi et de l’ordre» : face à la criminalité, mais aussi aux protestations de masse ou pour la sécurité aux frontières, c’est une police de plus en plus guerrière qui va être chargée de serrer la visse de l’Amérique.

Déjà dénoncé lors des heurts de Ferguson ou plus récemment du pipeline North Dakota Access, le renforcement de l’arsenal policier américain a pris depuis quelques années des proportions spectaculaires. En cause notamment, le programme fédéral 1033, qui permet à l’armée de transférer ses surplus d’équipements auprès des agences de maintien de l’ordre domestiques, comme les polices municipales ou les bureaux de shérifs de comtés.

Entre 2006 et 2015, ces derniers ont ainsi reçu près de 625 véhicules antimines, 471 hélicoptères, 329 camions blindés, 56 avions et 80 000 fusils d’assaut, selon un rapport de OpenTheBooks, un organisme pour la transparence gouvernementale. A cela s’ajoute parfois du partage d’équipement : rien qu’entre 2011 et 2012, les drones Predator utilisés pour la surveillance des frontières ont été prêtés 700 fois à des agences de sécurité domestiques, selon une enquête de l’Electronic Frontier Foundation.

Rendre la police grande à nouveau

Une montée en puissance des gardiens de la paix qui inquiète la société civile : les groupes progressistes, comme l’American Civil Liberty Union (ACLU), mais aussi libertariens, comme le Cato Institute, dénoncent une dérive de la lutte contre le terrorisme, qui aggrave les risques de violences excessives à l’encontre des citoyens et citoyennes.

Sensible à la problématique, Barack Obama a introduit en 2015 un moratoire sur le transfert de certains équipements militaires jugés «trop intimidants». Une mesure que Donald Trump a d’ores et déjà annoncé vouloir annuler, estimant que l’arrêté 1033 est «un excellent programme, qui améliore la sécurité de la communauté».

De fait, le président de «la loi et de l’ordre» (expression rendue célèbre par Richard Nixon dans les années 1970) a signifié à plusieurs reprises son soutien inconditionnel à une police plus forte. Suivant le slogan «la vie des bleus compte» (par opposition au mouvement «la vie des Noir-e-s compte»), Donald Trump a durant sa campagne appelé de ses vœux plus d’intransigeance dans les pratiques policières et moins dans la sanction des bavures.

De fait, le président de «la loi et de l’ordre» (expression rendue célèbre par Richard Nixon dans les années 1970) a signifié à plusieurs reprises son soutien inconditionnel à une police plus forte.

La «SWATisation» et ses dérives

Car au-delà de l’arsenal, ce sont aussi les procédures et tactiques policières américaines qui se sont progressivement militarisées au fil des ans. Les organismes de défense des libertés civiles observent à cet égard une généralisation des techniques des SWAT, les groupes d’intervention des forces de l’ordre : le recours aux opérations coups de poing, menées au bélier et à la grenade assourdissante, deviendrait de plus en plus courant, souvent pour des objectifs de moyenne importance.

Une escalade notamment induite par la politique de «guerre contre la drogue», dont les dérives défraient régulièrement la chronique. En 2011 dans le Massachusetts, un grand-père a été abattu par erreur devant son petit-fils de 12 ans, alors que le suspect visé par le raid, une revendeuse de drogue, avait déjà été interpellé devant la maison.

L’incertitude demeure sur la ligne que suivra Donald Trump vis-à-vis de la guerre contre la drogue. Si, par le passé, celui-ci s’est dit favorable à des politiques de dépénalisation, son procureur général désigné, le sénateur d’Alabama Jeff Sessions, affiche des positions particulièrement dures en la matière.

L’incertitude demeure sur la ligne que suivra Donald Trump vis-à-vis de la guerre contre la drogue.

Le marteau et les clous

De fait, il faudra probablement attendre l’entrée en fonction de celui-ci (escomptée la semaine prochaine) pour connaître les grandes lignes de la stratégie policière de la présidence Trump. Le bilan législatif de M. Sessions, conservateur parmi les plus durs, témoigne cependant d’une faible adhésion aux principes de police communautaire : celui-ci a voté à plusieurs reprises contre le financement de programmes de sensibilisation des gardiens de la paix.

Pour l’American Civil Liberty Union, la militarisation des techniques et équipements policiers risque donc de prendre l’ascendant ces quatre prochaines années. Un renversement de vapeur, après une présidence Obama qui avait commencé tant bien que mal à réformer les politiques en la matière.

Car c’est bien un phénomène de spirale que craignent les détracteurs de la militarisation : une police de plus en plus armée serait naturellement poussée à adopter des pratiques de plus en plus agressives. «Disposer du meilleur marteau du monde ne signifie pas que tous nos problèmes sont des clous» déclarait Barack Obama en 2014, au sujet des forces armées. Une maxime qui parait valable aussi quant aux forces de l’ordre.