Rencontré en marge du premier Sommet socioéconomique pour le développement des jeunes communautés noires, samedi dernier à HEC Montréal, l’élu du quartier Saint-Michel est régulièrement interpellé par des jeunes qui n’arrivent pas à décrocher un emploi. Le cas d’un étudiant qui lui disait être le seul de sa cohorte à ne pas avoir réussi à se trouver un stage pour compléter sa formation est un exemple parmi tant d’autres. «C’est une question de réseau souvent. Celui qui a un plus grand réseau va trouver plus vite que celui qui n’en a pas. Nous n’avons pas de quoi être fier en termes d’accès à l’égalité en emploi quand on regarde le taux de chômage», déplore-t-il.

Le cas d’un étudiant qui lui disait être le seul de sa cohorte à ne pas avoir réussi à se trouver un stage pour compléter sa formation est un exemple parmi tant d’autres.

Environ 13,5 % des membres des communautés noires seraient sans emploi, comparativement à 7 % pour l’ensemble de la population. Alors que le revenu moyen des Québécois-es s’élève à 32 074 $, les Noir-es touchent en moyenne seulement 22 822 $, soit 10 000 $ de moins par année, selon l’organisation du sommet.

Créer de la richesse

C’est pourquoi M. Benjamin martèle ce message : «Aujourd’hui, il faut travailler sur des projets créateurs de richesse dans les communautés. Nous avons besoin de plus d’entrepreneurs. Nous avons besoin de plus de jeunes qui arrivent à surmonter les obstacles, que ce soit au niveau des études pour pouvoir rentrer sur le milieu du travail». Le taux de réussite au secondaire est de 51,8 % chez les jeunes Noir-es, comparativement à 68 % pour la population générale.

Loin de déclarer forfait pour améliorer le sort de ses confrères et consoeurs, M. Benjamin fonde beaucoup d’espoir sur le travail de réflexion réalisé par une quarantaine d’organismes qui aura duré un an et demi. «Nous croyons que le changement va arriver par nous avant tout. Nous nous engageons à travailler ensemble à agir ensemble. C’est un nouveau message, au lieu de dire qu’on va attendre l’État», avance-t-il.

«Nous croyons que le changement va arriver par nous avant tout. Nous nous engageons à travailler ensemble à agir ensemble. C’est un nouveau message, au lieu de dire qu’on va attendre l’État»

Lors de l’événement qui a réuni plus de 300 participant-es, cinq projets ont été présentés pour lutter contre le décrochage scolaire, briser l’isolement des communautés et stimuler l’entrepreneuriat. À ce chapitre, le comité espère renflouer les coffres du Fonds afro-entrepreneurs de 1 M$ à 3 M$ afin de pouvoir accorder aux gens d’affaires un prêt allant jusqu’à 250 000 $. La création d’un programme pour accompagner les jeunes de la communauté dès le secondaire afin de prévenir le décrochage scolaire est l’un des projets dans les cartons. Il est aussi prévu de renforcer le programme de renforcement des familles noires, déjà en action dans le quartier Côte-des-Neiges pour aider les familles dans le besoin. Les parents reçoivent de l’aide pour faciliter leur intégration ou leurs recherches d’emploi. Pour fonctionner, l’ensemble des projets nécessitera un investissement de 7 M$ sur trois ans. Les organisateurs espèrent que la moitié du montant provienne des communautés et que l’autre soit financée par les trois paliers de gouvernement.

Adapter le milieu des affaires

Déjà, l’entrepreneur d’origine haïtienne Frantz Saintellemy a annoncé qu’il investirait 500 000 $ sur trois ans pour offrir un espace de travail et du mentorat à de jeunes entrepreneurs évoluant dans le secteur des technologies. Le président du Groupe 3737 a fondé un incubateur d’entreprises il y a six ans. S’il est maintenant à la tête de cinq entreprises prospères, M. Saintellemy a lui aussi connu sot lot d’épreuves.

«J’ai dû sortir du Québec pour aller me développer aux États-Unis. Ici, c’est un milieu assez fermé. C’est malheureux à dire… On est ouvert sur bien des choses, mais au niveau des affaires, il y a encore un manque. Je suis sur le conseil d’administration d’une entreprise allemande et d’entreprises dans la Silicon Valley, mais au Québec, je suis un inconnu!», lance-t-il sur un ton léger.

J’ai dû sortir du Québec pour aller me développer aux États-Unis. Ici, c’est un milieu assez fermé. C’est malheureux à dire… On est ouvert sur bien des choses, mais au niveau des affaires, il y a encore un manque.

Selon l’homme d’affaires, il y a encore un travail de sensibilisation pour faire connaître les modèles de réussite des diverses communautés et valoriser les projets d’affaires des nouveaux arrivants qui, à leur manière, font rouler l’économie. «L’immigrant typique ne cherche pas une entreprise à «flipper». Son objectif n’est pas d’avoir une forte croissance et puis de vendre. Il veut créer une entreprise pour se payer lui-même et avoir un rendement à très long terme. On veut vraiment créer de l’entrepreneuriat et des emplois crédibles pour des jeunes de Saint-Michel ou Montréal-Nord», insiste M. Saintellemy.

L’affaire de tous et de toutes

Si les communautés noires constituent le plus important groupe de minorités visibles à Montréal -10 % de la population, soit 200 000 membres -, M. Benjamin estime que tout le monde devrait se sentir concerner par les problèmes qui les affligent. «Les défis des communautés noires doivent interpeller tout le monde. C’est ça, le Québec de 2017. Demain matin, si vous me demandez de retourner en Haïti, je n’y serai pas conseiller municipal en Haïti moi! Je suis un Montréalais, un Québécois, un Canadien! Ma réalité, c’est celle d’ici», rappelle celui qui vit à Montréal depuis 32 ans.

Au-delà de l’égalité, l’équité est une notion chère aux yeux du conseiller municipal. «L’important, c’est de s’assurer que tout le monde dispose des ressources nécessaire pour atteindre son plein potentiel. Tous les projets qui ont été présentés sont inclusifs. L’espoir pour ces jeunes doit passer par un partenariat sérieux avec les institutions», considère M. Benjamin.

À la fin du sommet, une déclaration a été divulguée à l’auditoire. Une participante s’est levée pour demander l’ajout d’une précision qui a été approuvée à l’unanimité concernant le concept du «vivre ensemble», afin de ne pas négliger un aspect : le respect des différences. Voici le passage en question : «Nous contribuons à relever, avec l’ensemble de la société québécoise, les défis en matière de développement social, de lutte contre la pauvreté et du respect des différences pour la réussite du vivre ensemble». Une déclaration plus vraie que jamais…