Alors toute nouvelle participante dans un centre de femmes, lors d’un lancement d’un livre portant sur l’isolement des femmes, j’ai rencontré Françoise David, coordonnatrice de l’R des centres de femmes. En tant que jeune mère de vingt ans et toute nouvelle féministe, j’avais été invitée à témoigner car je vivais de l’isolement. Elle a pris soin de me faire sentir pertinente.

Quelques années plus tard, j’ai eu l’occasion de la côtoyer davantage. Elle était présidente de la Fédération des femmes du Québec (FFQ) et moi, co-coordonnatrice de la section estrienne de la marche des femmes contre la pauvreté «Du pain et des roses». C’est lors des réunions de la Coalition nationale des femmes contre la pauvreté – issue du Forum pour un Québec féminin pluriel et coordonnée par la FFQ – que j’ai pu commencer à faire mes classes politiques, notamment grâce à l’art de Françoise d’exercer un leadership marqué par la recherche de consensus. Comment faire pour que toutes sentent qu’elles gagnent, y compris la minorité? C’était sa façon de faire.

Lorsque je suis retournée vivre à Montréal, je me suis mise à militer à la FFQ pour la Marche mondiale des femmes. Après quelques mois, j’ai été embauchée pour m’occuper des liens avec le Canada et, éventuellement, pour coordonner la Marche au Québec. C’est ainsi qu’a débuté une collaboration très proche qui a duré 10 ans.

De la FFQ à l’organisme Au bas de l’échelle, en passant par D’abord solidaires, Option citoyenne et Québec solidaire, nous avons milité côte-à-côte – jusqu’à ce que je quitte la présidence de Québec solidaire en mai 2009.

Une femme intègre

Françoise aime son monde (ses proches et le Québec). Elle a un instinct politique indéfectible. Elle a un sens de la rigueur inégalé, ce qui fait qu’elle connaît ses dossiers comme peu d’autres. Elle est têtue – une qualité redoutable pour quiconque veut survivre dans l’espace public et un défi pour quiconque veut lui faire changer d’idée. La femme qu’on voit à la télévision au débat des chefs est la même qu’on côtoie dans la cuisine. Elle est intègre et soucieuse de l’autre.

De tout ce qui l’indigne, l’injustice sociale due à la pauvreté et l’exclusion qui l’accompagne sont les causes qui la mobilisent le plus profondément, et de loin. Nous aurions toutes et tous intérêt à nous en inspirer, car notre monde devient de plus en plus marqué par les écarts de possibilités. Je l’ai aussi vue cheminer sur des sujets moins familiers pour elle. Elle s’est montrée assez humble pour apprendre de celles et de ceux qui les connaissaient mieux qu’elle. Je pense à des thèmes comme l’homoparentalité ou au racisme.

La force pour confronter les puissants

De la marche «Du pain et de roses» à la lutte contre le déficit zéro au temps du premier ministre Bouchard, en passant par la création de la Marche mondiale des femmes et par la naissance de Québec solidaire, elle a su créer , avec d’autres, des espaces politiques pour les idées féministes et de gauche. Des idées qui ne perçaient que difficilement le fil des nouvelles quotidiennes. Je pense au débat des chefs, où elle a fait une analyse féministe de l’austérité. Quel plaisir d’entendre des idées féministes exprimées au coeur du mainstream politique. Elle l’a fait avec doigté, sensibilité et intelligence. C’est ce qui fait qu’elle est reconnue pour son travail.

Je me rappelle avoir pensé, lors de sa cérémonie d’assermentation après sa première élection, qu’elle était enfin à sa place. Elle était chez elle à l’Assemblée nationale. Chez elle, parce qu’elle avait la confiance nécessaire pour cheminer parmi les puissants et la force qu’il fallait pour les confronter. Françoise n’a jamais manqué de courage.

Chez elle, parce qu’elle avait la confiance nécessaire pour cheminer parmi les puissants et la force qu’il fallait pour les confronter. Françoise n’a jamais manqué de courage.

Pour cela et plein d’autres choses encore, elle a marqué les paysages politique et féministe au Québec. Sa voix manquera. Heureusement qu’elle n’est pas seule à porter une vision d’une société juste et égalitaire.

Bonne retraite de la vie politique, Françoise. C’est un arrêt bien mérité. Merci pour tout!