Ricochet : Pouvez-vous nous donner trois éléments de votre parcours pour nous convaincre que vous feriez un bon chef de parti?

Guillaume Lavoie : D’abord, les valeurs. Toute mon expérience a été construite sur la défense de l’intérêt général. Ma première implication professionnelle a été dans le milieu syndical. Je me suis ensuite beaucoup impliqué dans les questions de politiques publiques, notamment en éducation. Deuxièmement, l’expérience. J’ai de longues années d’expérience dans les politiques publiques, mais aussi dans l’administration publique et la gestion. Troisièmement, c’est la vision. J’ai passé la moitié de ma vie d’adulte à l’étranger. J’en ai vu des villes; des plus grosses, des plus accueillantes, des plus vertes, des plus justes et des plus riches que Montréal. Je veux importer ces modèles ici. C’est mon ambition.

J’ai de longues années d’expérience dans les politiques publiques, mais aussi dans l’administration publique et la gestion.

Ricochet : Une question encore un peu personnelle. Qu’est-ce qui vous fait penser que vous avez l’âme d’un chef?

G.L. : On ne naît pas chef, je ne crois pas à ça. Il est bon de faire ses classes, pas par respect de la hiérarchie, mais pour comprendre les exigences de la fonction. Il y a trois ans, je n’aurais jamais considéré qu’il était bon pour les Montréalais-es et les membres du parti que je sois chef de Projet Montréal. Après avoir fait mes classes, avoir appris comment fonctionne la ville, avoir développé une vision très précise de ce qu’on pourrait offrir aux Montréalais, avoir vécu dans l’environnement de Projet Montréal, je suis arrivé à la conclusion, à la conviction profonde qu’on peut aller plus loin avec moi comme chef. Je pense que si je suis chef, on peut réunir une équipe plus large et avoir des succès plus grands. Si j’avais la conviction que quelqu’un d’autre était mieux placé que moi, je lui laisserais la place.

Si j’avais la conviction que quelqu’un d’autre était mieux placé que moi, je lui laisserais la place.

Si vous êtes élu maire de Montréal en novembre 2017, quel sera votre projet innovateur prioritaire?

G.L. : Je vais vous surprendre. On ne sera pas dans les projets. Sur mon site de campagne, il y en a plein, mais ce serait trop facile de vous dire : « il y a ça et ça qui va changer ». Une ville ne se révolutionne pas, elle se change jour après jour. Ma première idée va être de lancer une nouvelle culture à la ville de Montréal. On va cesser de réparer la ville d’hier, et on va construire la ville de demain. Chaque action posée devra s’inscrire avec un objectif de résultats : moins de logements insalubres, plus d’unité d’habitations abordables, plus de planification. Je veux la fin des projets fin de projets qui donnent tous les pouvoirs au promoteur et où on tente de le convaincre, une fois que c’est terminé, d’avoir des espaces de mixité et des espaces de développement social. On va reprendre le contrôle du développement de la ville.

Quel service de la ville doit être repensé ou révolutionné?

G.L : Le premier, c’est la mobilité. Ma campagne s’inscrit dans cette vision de la mobilité à trois volets : physique, sociale et économique. La mobilité physique, c’est d’offrir plus d’options aux Montréalais-es pour se déplacer, moins chères, plus rapides et plus efficaces. On va cesser de penser la mobilité en une série de silos, on va réfléchir à son ensemble. Sur la mobilité sociale, cela va passer d’abord par le logement. Une de mes obsessions personnelles va être les logements insalubres. Je veux avoir une obligation de résultat, il y a un processus à comprendre.

Pour les enfants, il faut que la ville de Montréal soit l’endroit où on crée le plus d’opportunités de socialisation, de découverte, d’exploration et cela passe, entre autres, par les services de sport et loisirs, et par les bibliothèques qui ne sont pas assez accessibles. Sur la mobilité économique, je veux une approche transversale, par exemple sur les dossiers des changements climatiques. Pour moi, c’est fini le temps où on parle environnement dans la case environnement. Les changements climatiques vont être pensés dans les dossiers de l’habitation, des transports, en passant par l’aménagement et le développement social. Les changements climatiques doivent faire partie de tous les dossiers.

Pour moi, c’est fini le temps où on parle environnement dans la case environnement. Les changements climatiques vont être pensés dans les dossiers de l’habitation, des transports, en passant par l’aménagement et le développement social.

Projet Montréal a obtenu de bons résultats et une croissance dans les quartiers centraux aux dernières élections. Comment allez-vous faire pour gagner le vote des Montréalais-es qui ne vivent pas dans le centre?

G.L. : Il y a d’abord un exercice d’humilité à faire pour Projet Montréal; il faut reconnaître que c’est notre échec. Ce ne sont pas les gens qui n’ont pas compris, c’est nous qui n’avons pas réussi à expliquer suffisamment ce qu’on voulait faire. Tout le monde ne vit pas à côté d’un métro. Tu ne peux pas dire à des gens qui vivent dans Loyola, dans Tétreaultville ou Pierrefonds : « prenez le métro, c’est mieux pour l’environnement ». Je m’excuse, mais c’est de l’insensibilité et avec moi, on va changer de registre. Mon plan de mobilité est que, peu importe votre point départ ou d’arrivée, on va vous offrir des options plus rapides.

Quand je parle d’insalubrité, ce n’est pas juste dans les quartiers centraux, c’est partout à Montréal. Quand on parle de planification, même chose. Regardez l’horreur qui se profile à Pierrefonds-Ouest avec ce projet de construire 4000 maisons au milieu de nulle part, sur un espace vert. Cela va rajouter 8000 voitures par jour sur le réseau. Pensez-vous que c’est intelligent? Certainement pas. Je pense que les gens de Pierrefonds vont être réceptifs à notre approche. J’ai inscrit ma campagne dans cette idée qu’il faut s’ouvrir. Je veux que Projet Montréal devienne l’alternative la plus large possible à Denis Coderre. Je suis moins préoccupé par l’endroit d’où vous venez, mais plutôt par cette question : est-ce que vous voulez aller au même endroit que nous?

Je veux que Projet Montréal devienne l’alternative la plus large possible à Denis Coderre.

Richard Bergeron est le fondateur de Projet Montréal. Il a quitté le parti pour rejoindre l’équipe de Denis Coderre. Comment vous positionnez-vous vis-à-vis de son héritage?

G.B. : Dans mon bureau, j’ai les photos de Cicéron et de Bart Simpson. Richard Bergeron n’est pas vraiment là (rires). On parlait de la perception de Projet Montréal qui était vu comme un parti anti-voiture, un parti arrogant, hautain. Il y a beaucoup de cela qui était attaché à l’image du chef. Là-dessus, le départ de Richard Bergeron nous aide, parce que c’est son image. Depuis qu’il n’est plus là, le parti n’a jamais eu autant de membres. Ce n’est plus le même parti, ce n’est plus la même famille, nous sommes devenus plus grands, plus forts, avec toute une nouvelle génération d’élus.

Ce n’est plus le même parti, ce n’est plus la même famille, nous sommes devenus plus grands, plus forts, avec toute une nouvelle génération d’élus.

Le taux participation aux dernières élections municipales était très faible. Qu’est-ce que vous allez faire pour intéresser davantage les Montréalais-es à la politique municipale?

G.L. : Il faut s’adresser à l’intelligence des gens. Je pense que le passé est garant de l’avenir. J’ai dans mes responsabilités des dossiers que l’on appellerait pas très sexy. Les finances, par exemple. Le dépôt des documents séance tenante, ce n’est vraiment pas sexy et pourtant j’en ai fait un enjeu qui a occupé l’espace médiatique pendant un bout de temps et qui a mobilisé les Montréalais-es.

J’ai expliqué à la population que la pratique de Denis Coderre était de faire voter des millions de dollars de contrat, au moment où il les présentait aux élus. Il fallait les voter dans les trois minutes, dont un contrat à 100 millions de dollars. Quand j’ai pris cet enjeu, tout le monde m’a dit que ce n’était pas possible de faire un débat public là-dessus, même Denis Coderre. J’ai lui dit : «regarde-moi bien aller». J’ai fait une mobilisation monstre, les Montréalais-es ont été choqués et se sont impliqué-es. C’est même devenu une recommandation de la commission Charbonneau. Il y a des thèmes mobilisateurs. J’ai dix ans d’expérience dans les médias. Ce genre de défis ne me fait pas peur. On va expliquer à la population, par exemple, que quand elle est prise dans les chantiers, ce sont les travaux qui ont été mal planifiés. Avec moi, il n’y aura pas un seul cône orange qui va être installé à Montréal avant que l’on ait planifié quand il sera posé et quand il sera enlevé.