Plus près d’ici, bien qu’il soit en «congé de maladie», Sklavounos continue d’encaisser son chèque de 90 000$ par année. Sa stratégie pour se faire oublier a très bien fonctionné; il y a longtemps qu’on est passé à un autre scandale. Dommage que, pour les victimes, la douleur ne soit pas aussi éphémère que l’attention médiatique. Quand il reviendra en janvier, on ne se rappellera même plus de son nom.

Dommage que, pour les victimes, la douleur ne soit pas aussi éphémère que l’attention médiatique.

Pourquoi est-ce ainsi? Sommes-nous, au fond, tous et toutes sexistes? Après tout, 42 % des électrices américaines ont bien préféré Trump. Jugeons-nous, collectivement, la vie des hommes plus précieuse? Quelle dose de sensibilisation devra être administrée à chaque âme pour qu’elle prenne enfin acte que les femmes sont des humains comme les autres?

Une violence institutionnalisée

Cela fonctionnerait, effectivement, si la société n’était que la somme de ses parties. Mais les institutions, elles aussi, produisent et reproduisent l’infériorité des femmes. Pour en finir avec la bête, il faudra l’attraper par les cornes!

Par exemple, on apprenait la semaine dernière avec effroi qu’aucune accusation n’avait été déposée contre les policiers de Val-d’Or. Suffira-t-il de bonifier la formation des futurs policiers et policières en y ajoutant des cours sur les rapports sociaux de sexe et de race? Ce serait sans doute nécessaire, mais pas suffisant. D’ailleurs, le cursus en technique policière compte déjà un cours sur l’interaction avec les communautés marginalisées, ce qui n’empêche pas les policiers et policières d’harceler les sans-abris. Un autre cours porte sur les interactions avec les communautés culturelles, ce qui n’empêche pas non plus le profilage racial. Il manque de toute évidence un cours sur les inégalités de genre, mais il ne changera pas, à lui seul, le problème d’institutionnalisation de l’impunité policière. Il est plus que temps d’en finir avec cette pratique ridicule d’enquête de la police sur la police. Elle permet de faire vivre les inégalités, et notamment de genre, de telle façon que l’institution sensée assurer notre sécurité est devenue celle par laquelle on se sent le plus menacé.e.s. Quelle femme autochtone, à Val-d’Or, composera désormais le 911 en cas de violence conjugale? Ce cirque a assez duré!

Quelle femme autochtone, à Val-d’Or, composera désormais le 911 en cas de violence conjugale? Ce cirque a assez duré!

Dans la série «on n’est pas vraiment là pour vous aider», on découvrait récemment dans une vidéo qui a circulé sur Internet que les personnes qui déposent une plainte au Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement (BIPH) de l’UQAM n’en connaissent jamais l’issue. En effet, à cause de la clause de confidentialité de la politique 16 – la politique contre le harcèlement – la sanction (ou son absence) ne peut être dévoilée. Comme la victime ne peut savoir si l’agresseur a été condamné, elle ne peut pas avoir le sentiment que justice a été rendue ou, dans le cas contraire, faire appel de la décision. Mais comme le demande l’auteure de la vidéo, Véronique Pronovost, pourquoi est-ce qu’une victime irait porter plainte si elle ne sait jamais ce qui va arriver avec sa demande?

Plus que cela, tous les faits relatifs à l’enquête sont confidentiels. La victime n’a pas non plus le droit de parler de son agression. Elle est en quelque sorte dépossédée de son histoire. Elle n’a même pas le droit de parler du fait qu’elle a déposé une plainte. Elle ne pourrait donc pas essayer de trouver s’il y a eu d’autres victimes, soit pour qu’elles s’organisent collectivement ou tout simplement pour partager leur vécu et se soutenir psychologiquement.

La victime n’a pas non plus le droit de parler de son agression. Elle est en quelque sorte dépossédée de son histoire.

Pour Véronique, l’entente de confidentialité protège les agresseurs et les harceleurs et contribue à maintenir une culture du silence sur les campus. Cela participe directement de la culture du viol, c’est-à-dire (pour éviter une autre syncope aux chroniqueurs du Journal de Montréal) la banalisation et la minimisation systématiques des violences sexuelles à l’encontre des femmes. C’est sûr que si on n’est pas au courant de ce qui se passe, on risque de minimiser ce qui se passe, c’est le moins qu’on puisse dire.

Quand les institutions résistent

La directrice Bureau d’intervention et de prévention en matière de harcèlement de l’UQAM a tenté de justifier la clause de confidentialité en invoquant la prudence, parce que «la personne visée par la plainte est considérée innocente jusqu’à preuve du contraire». Dans le cas de Trump, ça ne l’a pas empêché d’être élu à la tête de la première puissance mondiale! Et comme l’a si bien dit l’avocate criminaliste Véronique Robert, certaines personnes deviennent carrément psychotiques avec la présomption d’innocence. Dans le système de justice, le nom d’un accusé peut être divulgué, à moins de requête spéciale de la cour. C’est la sentence qui n’est pas appliquée si l’on ne peut prouver la culpabilité hors de tout doute raisonnable.

Pourquoi un tel secret à l’UQAM? Est-on au Pentagone et on l’ignore? Étant donné que les fausses accusations sont très peu communes, il y a plus de chances que ce soient les étudiantes qui fassent les frais d’un tel système, en ne sachant pas avec quel professeur prendre les distances qui leur conviennent.

La politique 16 est toujours en cours de révision, deux ans après l’épisode des autocollants. Les travaux du comité auraient été interrompus en début d’année à cause d’un changement de direction au BIPH. Je dois malheureusement poser à nouveau la question formulée par Rima Elkouri au printemps : l’UQAM prend-elle assez au sérieux la lutte contre le harcèlement et les agressions sexuelles? Les femmes ont beau protester et s’époumoner, les institutions résistent. C’est un peu ça aussi, la culture du viol.