Rencontré à son bureau au parlement, M. Cantave a réaffirmé ce qu’il avait avancé lors d’une émission à la radio Magik 9 de Port-au-Prince, la semaine dernière. «J’ai dit que ça [l’homosexualité] pourrait être à la base de certains événements malheureux. Je le maintiens. Je ne vais pas démordre de ce que j’ai dit», a-t-il martelé, en haussant sévèrement le ton à plusieurs reprises au cours de l’entrevue.
Convictions religieuses
«Il faut empêcher la dépravation de la jeunesse. Il faut empêcher l’abomination dans ce pays. Les cyclones et les tremblements de terre qui nous frappent… nous ne savons pas d’où ils viennent», avait déclaré M. Cantave à la radio, rapporte-t-on dans le quotidien francophone Le Nouvelliste d’Haïti. Questionné sur sa responsabilité d’avoir tenu de tels propos en tant que sénateur, M. Cantave s’est défendu en disant qu’il appartient aussi à une communauté religieuse.
Selon lui, la question du journaliste, visant à expliquer le rapport qu’il fait entre les catastrophes naturelles et l’orientation sexuelle des gens, lui a été posée «d’abord et avant tout» en tant que chrétien. Le sénateur a d’ailleurs fait référence à plusieurs passages de la Bible pour étayer son hypothèse.
Celui qui se fait le «porte-étendard» du combat contre l’homosexualité, pour avoir mené plusieurs campagnes afin de «lutter pour qu’Haïti ne soit pas dépravée», envisage déposer un projet de loi pour bannir toute activité publique faisant la promotion de l’homosexualité. «Je suis prêt à me battre jusqu’à la dernière cartouche pour que mes enfants ne soient pas corrompus. Les activités [comme] Massimadi devront être prohibées et interdites sur tout le territoire national. On ne va pas accepter ça. Et je ne suis pas le seul», a-t-il affirmé avec force et conviction.
Rappelons que le festival d’arts LGBTQ et de films Massimadi, qui devait se tenir à la fin septembre à Port-au-Prince, a été annulé en raison de graves menaces dirigées contre la Fokal, l’organisme chargé de la programmation de l’événement. Bien qu’avortée, la première édition de ce festival en Haïti était supportée par les ambassades du Canada et de France.
Un discours «arriéré» dénoncé
Archaïque, arriéré, homophobe et déshumanisant. Tels sont les mots lâchés par Charlot Jeudy, président de la fondation Kouraj, qui défend les droits de la communauté LGBT, pour décrire les propos du sénateur Cantave.
«C’est dommage qu’un sénateur tienne un tel discours. En plus, il essaie d’utiliser son titre professionnel. Malheureusement, on a une bonne partie de la population qui est analphabète et frappée par l’ignorance. On tente de détourner l’attention des gens sur les vrais problèmes en Haïti», déplore-t-il, d’un ton découragé.
Même s’il entend plusieurs personnes dire que «le pays n’est pas prêt à accepter l’homosexualité», M. Jeudy est tenace. «Les LGBT ne doivent pas rester dans leur coin. On doit continuer à militer pour notre dignité et les libertés individuelles. On est déterminés et très engagés pour l’inclusion. Nous devons dire non à ces barbaries», estime celui qui remarque un sentiment de peur dans la communauté LGBT depuis l’annulation du festival.
À titre d’ex-coordinatrice du festival Massimadi de Montréal, la Canado-Haïtienne Patricia M. Jean est consternée par les propos de M. Cantave. «J’ai honte, car c’est l’image [de l’homosexualité] qu’on attribue à Haïti. Il n’y a aucune raison d’utiliser la religion pour encourager la haine. Je trouve ça très embarrassant» témoigne celle qui séjourne en Haïti dans le cadre de son travail.
L’ancienne directrice de l’organisme Arc-en-ciel d’Afrique dénonce ce qu’elle croit être une stratégie populiste du sénateur. «C’est malhonnête de dire de telles choses, si son objectif est d’aller chercher plus de votes. On ne peut pas avoir un double discours sur l’avancement des droits humains et clairement, il met un groupe à part», se désole-t-elle.
Mme Jean croit toutefois qu’il faut saisir cette occasion pour poursuivre le dialogue. «C’est très bien d’amener ce débat-là au grand jour, car on a l’impression qu’il y a beaucoup d’intolérance. Des gens qui ont un sens critique très développé et des personnalités publiques avec une certaine notoriété devraient se positionner face à ça», conclut-elle.