Malgré ces obstacles, nous jugeons nécessaire de prendre position sur la série d’événements qui ont rouvert la discussion sur la culture du viol au Québec. Des agressions sexuelles vécues par des étudiantes de l’Université Laval aux allégations visant le député libéral Gerry Sklavounos, en passant par les recours intentés par des policiers de Val-d’Or suite à la diffusion d’un reportage sur les abus à l’égard des femmes autochtones. Des tentatives médiatiques de décrédibiliser le témoignage d’une survivante à la réaction d’une administration universitaire qui recommande aux femmes de verrouiller leurs portes, en passant par les comparaisons entre viol et vol de voiture. Le tout se déroulant dans un contexte marqué par les échos d’une campagne présidentielle américaine imbibée de sexisme.
Ces épisodes nous rappellent que l’ordre en place en est un où la contrainte sexuelle et l’idéologie qui la légitime sont la norme plutôt que l’exception. Un ordre où l’appropriation du corps des femmes est rendue possible par la démonstration de force, par les menaces de représailles et par la passivité d’une foule d’acteurs qui en viennent à confondre normalité et acceptabilité. En somme, comme le disait Aurélie Lanctôt, les événements des derniers jours agissent comme un rappel à l’ordre.
Prendre position
En de telles circonstances, quel est le rôle d’un média comme le nôtre? Selon nous, le silence et la prétention à la «neutralité» ne sont pas des options. À Ricochet, nous disons clairement que nous refusons de nous satisfaire du monde tel qu’il va. Nous ne voulons pas faire semblant que ce monde est exempt de rapports de force, de violences et de conflits. Ce serait se fermer les yeux. Nous voulons être un espace où les critiques de l’ordre en place peuvent se faire entendre et se confronter. Nous voulons nous démarquer de ces tribunes où les discours qui participent de la légitimation de la culture du viol sont placés à l’abri de la critique. Par conséquent, nous avons fait le choix de donner la parole à des voix féministes qui, dans la foulée des récentes révélations, ont voulu dénoncer le statu quo. Nous joignons nos voix aux leurs pour en finir avec la passivité et pour s’attaquer à un ordre où l’intolérable est toléré. Et nous continuerons à le faire à l’avenir : un parti pris assumé n’est pas contraire à un engagement envers la rigueur et le professionnalisme. À Ricochet, les deux vont de pair.
En tant que média qui souhaite contribuer à la construction d’une société plus égalitaire, nous considérons qu’il est de notre devoir d’intervenir et de dénoncer sans ambiguïté la culture du viol, dans nos pages d’information aussi bien que dans notre section d’opinion. Donner une voix à ceux (et celles!) qui n’en ont pas, défendre les plus vulnérables, rendre visibles des enjeux trop souvent occultés, dénoncer ceux qui se sentent au-dessus de tout et à qui on donne l’impunité totale sous couvert du pouvoir: voici la mission qui oriente notre travail journalistique et éditorial.
Un appel à l’action
Nous invitons le plus grand nombre, médias inclus, à venir marcher ce soir dans les rues de partout au Québec afin de faire entendre ces voix contre la violence faite aux femmes. Et ensuite, à poursuivre la bataille. Aujourd’hui, des femmes s’organisent, joignent leurs forces, résistent et cherchent des voies pour l’émancipation. Nous sommes avec elles et continuerons de l’être.