C’est d’abord comme spécialiste d’Uber que le conseiller de l’arrondissement de Rosemont-La-Petite-Patrie se présente publiquement. Mais ne cherchez pas l’ombre d’une critique de cette entreprise (qui évite tant le fisc que les normes du travail) chez cet homme : il n’en a aucune à formuler. Richard Bergeron a écrit Le livre noir de l’automobile, Guillaume Lavoie pourrait quant à lui signer Le livre rose d’Uber. Bien sûr, jamais il ne se décrira lui-même comme un homme de droite : il connaît son parti. Mais il utilisera le langage du progressisme pour présenter des mesures de droite. Le meilleur exemple est encore Uber : s’opposer à cette entreprise est «conservateur», selon lui. Dans le monde de Guillaume Lavoie, le «progrès» signifie abdiquer devant la libéralisation extrême de l’économie.

Tout cela n’est pas étranger à sa proximité avec la Commission Jeunesse du PLQ, qui l’a accueilli comme conférencier lors de son congrès d’août 2016, et avec Jérôme Turcotte (à droite sur la photo) qui n’est nul autre que l’ancien président de la Commission politique du PLQ. Ce dernier milite activement pour Guillaume Lavoie, notamment par la voie des réseaux sociaux (il est organisateur de l’événement Facebook «Joignez la vague d’appuis à Guillaume Lavoie comme maire en 2017»).

Guillaume Lavoie ne cache pas, d’ailleurs, son rêve d’une «société plus entrepreneuriale», d’une «nation de micro-entrepreneurs». En lui, Youri Chassin, économiste à l’IEDM et grand chantre des vertus de la déréglementation et de la libéralisation tous azimuts (à gauche sur la photo), a trouvé un allié précieux pour la réalisation de ses idées.

Amitiés adéquistes et caquistes

Mais ce n’est pas seulement du côté du PLQ et de l’IEDM que Guillaume Lavoie va chercher ses appuis. Des sources à l’intérieur et à l’extérieur du parti nous indiquent avoir été contactées par Simon-Pierre Diamond, lobbyiste de profession, afin d’appuyer Lavoie dans sa course à la direction. Ce nom a peut-être une résonnance familière à certaines oreilles, et pour cause : Diamond a été député de la circonscription de Marguerite-D’Youville sous la bannière de l’ADQ entre 2007 et 2008. Par ailleurs, l’ancienne députée adéquiste Marie Grégoire a aussi donné son appui à Lavoie sur les ondes de Radio-Canada.

L’ADQ est morte, mais sa successeure, la CAQ, a repris le flambeau. Et elle a fait appel aux services de conférencier de Guillaume Lavoie le 13 octobre dernier. Et devinez le sujet de la soirée? L’«économie collaborative», autrement dit : Uber et uberisation.

En réponse à tout cela, Lavoie pourrait mentionner des noms de péquistes dans son entourage et citer quelques appuis chez les progressistes pour ainsi se poser en «rassembleur». Quand on fait le compte, cependant, c’est bien à droite que se trouvent ses amitiés et ses allégeances. A fortiori quand on écoute ce qu’il a à dire dans ses conférences.

Quel Projet pour Montréal?

Outre Uber, Lavoie a toujours été très silencieux sur la question du transport. On sait tout l’amour que portait Richard Bergeron pour le tramway (jusqu’à ce qu’il se joigne à Denis Coderre, du moins) et l’on ne saurait négliger l’importance que revêt le transport en commun dans la plateforme de Projet Montréal. Or, Guillaume Lavoie semble plutôt pencher du côté de l’ouverture à l’entreprise privée. Dans ses interventions publiques, à la CAQ comme en commission parlementaire, on l’a souvent entendu dire des choses comme : «la vraie question en transport, c’est est-ce qu’on est pour ou contre la gestion de l’offre?» Voilà une façon bien lisse et apparemment inoffensive de dire que le public doit s’effacer devant le privé.

Cette déréglementation, à en croire Lavoie, ne doit pas seulement avoir lieu du côté du transport, mais dans l’ensemble des sphères d’intervention du monde municipal. Selon lui, «la religion de l’urbanisme, c’est le zonage». Donc, si l’on suit sa pensée, les villes doivent renoncer au «dogme» du zonage. Mais qui planifierait le développement, alors? Et surtout, comment? La réponse coule de source : les développeurs privés. Pourtant, si l’on doit bien apprendre une leçon des fiascos de développement urbain (comme à Griffintown, par exemple), c’est que le privé n’a qu’un objectif en tête : le profit. Tout le reste (écoles, services, commerces de proximité, parcs, etc.) vient après, si même il vient. Nul besoin de rêver de logements sociaux : il n’y en aura pas, car ce n’est pas rentable. Le zonage, l’outil le plus puissant d’une ville pour son développement, doit être remplacé par le privé. Et il en va de même pour tous les autres services municipaux. Lavoie aime se montrer comme un anti-dogmatique, mais il reprend pourtant le credo néolibéral à la lettre, car selon lui «il faut abaisser les barrières réglementaires pour ouvrir de nouveaux marchés».

Les membres de Projet Montréal sont donc face à un choix crucial pour l’avenir de leur parti, plus encore que celui que les péquistes ont dû faire en septembre passé. En Guillaume Lavoie, on trouve quelqu’un qui renonce, au nom de la «libre économie» à l’intervention publique et à la planification urbaine. Mais tout cela dans un langage aux allures progressistes. Pour un parti qui veut bâtir une ville pour et par ses citoyen-ne-s, c’est un détournement radical de sa raison d’être.