Or, nous apprenions récemment dans les pages de Ricochet qu’au contraire, l’Accord économique et commercial global (AECG) pourrait faire perdre 23 000 emplois à travers le Canada. Nous remercions d’ailleurs encore les douanes canadiennes d’avoir braqué les projecteurs sur cet accord, qui suscitait jusque là peu d’émoi.
La guerre, c’est la paix
En plus de son effet sur le marché de l’emploi, l’AECG, comme tout accord de libre-échange, limitera la capacité des pays impliqués à légiférer à l’intérieur de leurs frontières. Il permettra aux entreprises de poursuivre les États qui lèsent leur droit au profit par des réglementations trop restrictives, comme cela a été le cas dans le cadre de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) au Canada, avec la compagnie Lone Pine Ressources.
S’il faut passer par le juridique pour construire la concurrence à l’échelle internationale dans un premier temps, dans un ironique retour des choses, les législations nationales sont elles-mêmes mises en concurrence les unes avec les autres dans un second temps. Le marché mondialisé exerce alors une pression pour harmoniser ces législations en les nivelant vers le bas. Car le capital n’est pas un amant fidèle; il ira se lover dans les bras du plus offrant à la première occasion venue. Dit en termes plus clairs, pour ceux et celles qui n’ont pas envie de s’embêter avec les métaphores conjugales: le libre-échange est un frein à la souveraineté intérieure.
Une «gauche efficace» et soulagée du fardeau de la cohérence
La souveraineté, est-ce que ça dit encore quelque chose au Parti Québécois? Il me semble que ses membres étaient prêts à toutes les manigances, et notamment les alliances gauche-droite, pour y parvenir. Il faut croire que ce parti est devenu tellement obsédé par la souveraineté comme fin en soi qu’il en oublie de se demander: mais qu’est-ce que c’est, donc, la souveraineté? Et pourquoi on veut ça, déjà? Si bien que le but ultime est uniquement devenu de se séparer du reste du Canada, sans se demander si cela permettra réellement au Québec de mieux décider pour lui-même.
Avec le PQ de Jean-François Lisée, force est de constater que l’on aime mieux contrôler les immigrants à la frontière que les biens et services. Ce type de positions bien campées à droite n’empêche cependant par le nouveau chef de proposer des alliances «progressistes» à Québec Solidaire, à Option Nationale et au Parti Vert. Ces partis accepteraient probablement l’offre avec enthousiasme, si seulement le PQ avait de progressiste autre chose qu’un statut auto-proclamé. Encore faudrait-il que les anciens gouvernements péquistes passent l’épreuve de l’histoire.
Il serait intéressant de constater, par exemple, qu’ils n’ont pas fait la promotion d’autres accords de libre-échange, qu’ils n’ont pas brisé de front de grève, qu’ils n’ont pas coupé massivement dans les services publics au nom du «bon gouvernement», qu’ils n’ont pas dégelé massivement les frais de scolarité, qu’ils n’ont pas éliminé des dizaines de milliers d’emplois dans la fonction publique, qu’ils n’ont pas favorisé le développement de l’industrie des hydrocarbures et qu’ils n’ont pas cherché à congédier une poignée de fonctionnaires portant autre chose qu’un chapelet pour instaurer la catho-laïcité au Québec… Oh non, quel malheur, je viens tout juste d’énumérer les plus grand ratés du PQ depuis 1977…
Une raison d’être
En fait, posons-nous la question franchement: qu’est-ce qui justifierait l’existence de partis tels que Québec Solidaire et Option Nationale s’il existait déjà un autre parti résolument indépendantiste et progressiste au Québec? Mais bon, après tout, ces partis n’ont qu’à renoncer à leur raison d’être pour se joindre au PQ de Lisée, qui n’est ni vraiment préoccupé par la souveraineté interne du Québec, ni vraiment progressiste, et dont l’objectif principal est de battre les libéraux. Et pour ça, on n’a qu’à mener des «sondages» auprès des électeurs en faisant mine de ne pas comprendre les statuts et règlements des autres organisations politiques. Vraiment, Lisée est poignant dans le rôle de l’idiot utile qui ignore ce que c’est qu’un congrès.
Comme quoi, on peut se réclamer de la «gauche efficace» sans vraiment être à gauche et sans que l’on sache non plus par rapport à quelle finalité est-ce qu’on cherche à être efficace. C’est vraiment tout un mindfuck que nous signe le PQ depuis qu’il a élu Lisée à sa tête.