Maisons complètement détruites, arbres déracinés; le paysage est méconnaissable lorsqu’on franchit les Cayes, au sud du pays. «On dirait que certains arbres ont carrément été incendiés par la force des vents. La zone est devenue désertique», constate à regret Valéry Daudier, journaliste au quotidien Le Nouvelliste d’Haïti. Originaire de Camp-Perrin, situé à une vingtaine de kilomètres de la ville des Cayes, il a compris l’ampleur de la «catastrophe» lorsqu’il a enfin retrouvé sa famille, il y a quelques jours. Dès le début de la tempête, il a passé plus de 48 heures sans pouvoir établir le contact avec sa mère depuis Port-au-Prince, car les communications téléphoniques avaient été rompues.
Lorsque M. Daudier est finalement arrivé à destination, soulagé de retrouver ses proches sains et saufs, plusieurs habitants se sont confiés à lui dans l’espoir qu’il devienne leur «porte-parole» pour que l’aide humanitaire arrive plus rapidement à destination. Jean Daniel Sénat, un autre journaliste du Nouvelliste dont la famille demeure à Arniquet, à quelques kilomètres des Cayes, s’est rendu sur place le weekend dernier. Il aussi été particulièrement interpellé par des habitants du village voisin, à Torbeck, alors que plusieurs d’entre eux s’étaient attroupés pour clamer haut et fort de la nourriture et du matériel d’urgence.
Si des ONG ont finalement réussi à intervenir dans plusieurs villages, «les sections communales, les petites agglomérations, les habitants dispersés dans l’arrière-pays n’ont encore reçu aucune visite, aucune aide depuis le passage de l’ouragan Matthew», peut-on lire dans un article du Nouvelliste, publié vendredi matin.
Routes impraticables
«Il y a malheureusement des zones qui ne sont pas touchées et ça pourrait prendre encore du temps pour les atteindre. Beaucoup de gens nous ont demandé des outils, comme des haches, pour débloquer les routes où des arbres sont tombés. Mais dans certaines zones, il n’y a tout simplement pas de route», explique Guypsy Michel, directeur du Centre d’étude et de coopération internationale (CECI) en Haïti.
Après avoir effectué l’évaluation des dégâts sur le terrain, l’équipe a finalement pu commencer ses opérations de distribution alimentaire et de kits d’urgence, mercredi, auprès d’environ 5000 familles se trouvant dans les communes de Camp-Perrin et de Beaumont. «Les stocks que nous avons en réserve n’étaient pas déjà positionnés sur le terrain, justifie M. Michel. [Malgré les délais], on a réussi en un temps record à faire venir du riz de l’Artibonite». Grâce à cette distribution, l’organisme estime que ces familles jugées plus vulnérables pourront tenir le coup pendant au moins un mois.
Brigitte Gaillis, porte-parole pour la Croix-Rouge canadienne en Haïti, reconnaît que la distribution «ne se fait pas aussi massivement» que souhaité, compte tenu de nombreux obstacles environnementaux. «[Dans nos zones d’intervention], il arrive que des gens nous arrêtent et ils ont des questions légitimes. Il y a des délais dans l’acheminent du matériel d’urgence, car l’accès par véhicules et camions est encore difficile. On ne peut pas aller au-delà de certaines zones trop endommagées», affirme-t-elle.
Du côté de Jérémie, dans le département de la Grand’Anse, du matériel d’urgence prévu pour environ 3000 familles de la région devrait arriver par bateau ce weekend, si les conditions de navigation en haute mer le permettent. Au cours des dernières heures, la région a reçu d’importantes précipitations.
Outre les interventions des ONG locales et internationales qui s’effectuent dans des conditions particulièrement ardues, l’entraide s’organise depuis le jour 1 de l’après-tempête. «Les Haïtiens ne restent pas les bras croisés. Ils réparent leur toit, ils s’unissent pour trouver de la nourriture. Ils n’attendent pas l’aide internationale pour agir», tient à préciser Elena Sartorius, journaliste suisse indépendante, qui s’est rendue dans la région des Cayes, le weekend dernier.
Selon les derniers chiffres publiés par la protection civile en Haïti, l’ouragan a entraîné la mort de près de 500 personnes. Au moins 1,4 million de personnes ont besoin d’une assistance d’urgence, a affirmé lundi Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU.
Vendredi matin, le député canadien d’origine haïtienne Emmanuel Dubourg a annoncé une aide supplémentaire de 2 M$ à Haïti. L’enveloppe dédiée à l’aide humanitaire post-ouragan s’élève maintenant à 6,58 M$. Cette somme sera gérée par quatre ONG : le CECI, Oxfam, Médecins du monde et Action contre la Faim.