L’initiative Faut qu’on se parle (FQSP) a été lancée en grande pompe, le 28 septembre, par cinq personnalités publiques québécoises : Gabriel Nadeau-Dubois, Maïtée Labrecque-Saganash, Alain Vadeboncoeur, Claire Bolduc et Jean-Martin Aussant. On y propose d’écouter les propositions citoyennes sur une dizaine d’enjeux prédéfinis, de deux manières : lors d’assemblées de cuisine, «chez vous», ou encore lors de consultations publiques, qui se déplaceront dans une dizaine de salles au Québec d’ici à la fin de l’année.
L’objectif des consultations publiques est «de poser de grandes questions, et de recevoir de grandes réponses», explique Gabriel Nadeau-Dubois. Pour se faire, son équipe a développé une application, qui sera installée sur des tablettes distribuées aux consultations. À Québec, l’événement est déjà complet, les 400 billets gratuits s’étant envolés dès la première journée.
Pour recueillir les commentaires de tous et de toutes, une quarantaine de tablettes seront mises à la disposition des participant-es, pour un ratio d’une tablette par table d’une dizaine de personnes. Pour la répétition générale, une quinzaine de personnes, surtout des proches de l’équipe de Faut qu’on se parle, était réunie dans un local du quartier St-Henri, à Montréal, pour essayer la formule.
Une application tablette Faut qu’on se parle
Lors de la grande générale, seuls deux des cinq initiateurs et initiatrices étaient sur place, soit Maïtée Labrecque-Saganash et Gabriel Nadeau-Dubois, qui ont préparé leurs interventions en compagnie de l’animatrice des consultations publiques, Martine B. Côté.
Déjà, quelques bogues techniques forcent un retard d’environ une demi-heure sur l’horaire. «Les graphiques seront améliorés», promet le développeur de l’application maison, Guillaume Coderre, aux participant-es qui ont déjà la tablette en main.
Après la présentation d’usage et les discours d’ouverture des membres de Faut qu’on se parle, la parole est aux participant-es. Ils ont environ 40 minutes pour pondre une réflexion sur les dix thèmes présentés : démocratie, économie, régions, indépendance, éducation, premiers peuples, diversité, culture, santé et climat. Les messages inscrits sur la tablette sont automatiquement transmis à l’équipe, et consignés pour une analyse ultérieure.
Chacun-e choisi d’abord de répondre à la question qui correspond le plus à son champ d’intérêt. Alexandre Guédon, archiviste, choisit «comment favoriser une création artistique vivante et en assurer l’accès à tous», qu’il maîtrise bien. Or, y répondre dans un petit champ de texte demande tout un exercice de concision. «J’ai écrit qu’il faut subventionner la culture, et la rendre ouverte à tous sous forme libre de droit», résume-t-il.
Sa collègue Geneviève Lajeunesse, qui a choisi de répondre à la question sur la santé («comment prendre soin de tout le monde?»), en avait aussi long à dire. «Ça en fait, des questions! En 40 minutes, je ne sais pas si je pourrai toutes y répondre.» Les cobayes ont souligné la difficulté de consigner les réponses de chacun-e au moment de partager la tablette à plusieurs, ce qui sera nécessaire lors des consultations de la tournée.
Compilation des résultats
De l’autre côté de la pièce, l’animatrice et les deux membres fondateurs analysent en direct les commentaires envoyés. Ils tentent de les synthétiser rapidement, pour ensuite les résumer devant l’audience. À l’issue des 40 minutes de rédaction, ils ont déjà en main plus de 110 messages. Gabriel Nadeau-Dubois et Maïtée Labrecque-Saganash se divisent les thèmes les plus populaires, sur lesquels ils vont réagir.
L’application tablette se transforme alors en un outil pour communiquer avec les animateurs et les animatrices. L’illustration d’un pouce en l’air et d’un pouce au sol permettent aux participant-es d’indiquer «j’aime» ou «je n’aime pas», en direct, au moment du dévoilement des résultats de la consultation. Lors du premier exercice, les thèmes de la démocratie, de l’économie et de la santé sont sortis du lot.
L’ambiance de la pratique générale est amicale, un ton que voudrait reproduire l’équipe pour les vraies consultations publiques, dont l’assistance sera pourtant beaucoup plus nombreuse. «On veut éviter une ambiance lourde, qu’on retrouve trop souvent dans les consultations des groupes progressistes. L’aspect technologique, on veut aussi que ce soit agréable», indique Gabriel Nadeau-Dubois, mentionnant au passage qu’un service de bar sera offert pendant les consultations. «On veut montrer que parler de politique, ça peut être le fun. C’est pas obligé d’être chiant.»
Dans son discours de clôture, il promet d’ailleurs d’archiver les commentaires reçus : «Tout ce que vous nous avez envoyé a été gardé, pour faire une synthèse». Questionné à ce sujet, il admet ne pas savoir pour l’instant quelles suites donner à cette masse de données. Il se contente de s’engager à la rendre la plus accessible possible, dans les limites de ses moyens. «Comprenons-nous bien : Faut qu’on se parle n’a pas la prétention de représenter les huit millions de personnes au Québec. Notre initiative, citoyenne, est très humble : brasser des idées, et en faire ressortir quelques propositions fortes.»
L’ex porte-parole étudiant et auteur de Tenir tête (Lux, 2013) a d’ailleurs mis fin à ses collaborations régulières à Radio-Canada et à Ricochet pour se concentrer sur la tournée de Faut qu’on se parle. Il sera le seul des cinq membres à se déplacer pour toutes les consultations publiques. «À l’origine, c’est moi qui ai approché les quatre autres, pour leur partager des réflexions générales sur la situation politique du Québec. Ça fait quatre ans que je me promène au Québec, et ça m’a fait beaucoup réfléchir. J’avais envie d’un projet politique. Mais c’est vraiment ensemble qu’on est arrivé à ce concept», a-t-il confié à Ricochet.
La tournée des consultations publiques est prévue se terminer à Montréal, le 8 décembre prochain. Ses conclusions seront dévoilées au «début de l’année 2017», promet-on, après quoi les assemblées de cuisine pourraient continuer, en fonction du financement populaire.