L’événement auquel participait ce soir-là Molly Grover, 30 ans, en marge de la convention démocrate, n’aura obtenu qu’une fraction de l’attention accordée par les médias aux irréductibles partisans de «Bernie» — mais il pourrait être plus représentatif de ce qui va se passer aux États-Unis d’ici aux élections de novembre.
C’est qu’en plus d’un ou d’une présidente, les Américains voteront pour 33 des 100 sénateurs, pour les 435 élus de la Chambre des représentants à Washington ainsi que dans chacun des 50 États, pour le gouverneur, les sénateurs et les représentants de chacun des «parlements» locaux. Bref, beaucoup d’occasions pour tenter de faire élire un démocrate plus à gauche, un vert ou un indépendant.
Bernie Sanders lui-même avait donné le ton : ce printemps, au fil de ses courriels il avait invité ses partisans à verser des contributions à cinq candidats locaux, dont Russ Feingold au Wisconsin , Tim Canova en Floride et Zéphyr Teachout dans l’État de New York — une enseignante de la région d’Albany très critique de l’establishment local du Parti démocrate.
C’est dans ce contexte que s’inscrit l’appel de Sanders aux délégués du Vermont et de la Nouvelle-Angleterre en marge de l’ouverture de la convention démocrate : «Ce que nous faisons à présent, c’est d’accomplir une transition pour notre mouvement».
Canaliser l’énergie autrement
Selon un reportage du magazine Politico, les démocrates d’Ohio et de Pennsylvanie aimeraient beaucoup voir Sanders venir galvaniser leurs troupes : son opposition au Partenariat Trans-Pacifique serait précieuse dans ces deux États où on prévoit une joute serrée.
Par ailleurs, l’équipe Sanders doit lancer en août deux organismes : Our Revolution, voué à récolter des fonds pour des candidats locaux, et l’Institut Sanders, dédié à la promotion des idées et programmes défendus par le sénateur du Vermont pendant toute sa carrière.
Quant à l’événement auquel assistait Molly Glover à Philadelphie, il était organisé par Global Women’s Strike, un «groupe de justice sociale» qui, ce soir-là, avait invité des conférenciers sur l’interventionnisme militaire américain, la contamination de l’eau à Flint, Michigan et la brutalité policière. De telles rencontres sont destinées à se répéter dans des sous-sols d’église et autres salles communautaires un peu partout d’ici novembre.
Selon un sondage du Centre de recherche Pew réalisé avant la convention démocrate, 90 % des partisans de Sanders étaient déjà prêts à appuyer Clinton face à Donald Trump. Les médias auraient-ils exagéré l’importance du «ressac anti-Hillary»? C’est ce que suggère le journaliste politique Pete Hirshfeld, de la radio publique du Vermont (VPR). «Je pense que les médias ont tendance à peindre les choses en noir et blanc.» Qui plus est, rappelle-t-il, plus les semaines passent et plus la convention démocrate va s’estomper au profit de l’affrontement Clinton-Trump.
«Nous construisons un mouvement progressiste dans ce pays» disait récemment Robert Reich, de l’Université de Californie, à l’émission Democracy Now. Il répondait alors à l’auteur Chris Hedges pour qui il vaudrait mieux voter pour la candidate du Parti vert à la présidence, Jill Stein, même si cela avait pour conséquence de faire élire Trump. Le retrait de Sanders de la course ne signifie pourtant pas la fin, plaide Reich. Construisons un mouvement, mais en visant d’une part les élections de 2020, et d’autre part, pas juste la présidence. «Nous sommes en meilleure situation qu’avant. Bernie Sanders a mobilisé et éduqué le public».