De la même façon, je suis sûre que tout musulman doit crever d’envie qu’un Occidental comme le maire de Cannes ou bien Jean-François Lisée vienne le libérer. En tout cas moi, si j’étais par exemple Algérienne, je trépignerais d’impatience qu’un bon Français, dont les ancêtres ont décimé le tiers de mon peuple, vienne me civiliser jusqu’au bout des ongles en m’expliquant comment m’habiller convenablement pour ne pas le heurter.

Surtout que généralement, quand je m’habille d’une certaine façon, c’est parce que je voudrais que tout le monde s’habille pareil. Quand des Musulmanes portent le voile, c’est clairement du prosélytisme et on fait bien de se méfier. Leur but, à «ces gens-là», n’est pas de s’habiller en cohérence avec les normes d’un cadre social donné, mais bien d’effacer «les nôtres». Les hipsters du Mile-End, leur véritable objectif, c’est de conquérir Montréal au complet. Pis la prochaine étape, c’est Québec. Attention à tes friperies, Labeaume, les prix vont tripler!

Une France socialiste et féministe?

Non mais, arrêtons ce délire. Qui sont les «socialistes» saouls qui ont soutenu l’interdiction du burkini en France? Je ne crois pas que le comité central ait approuvé. Ou bien ils ont mis leurs doigts dans la prise d’électricité de leur soviet de quartier!

Qui a bien pu se dire que l’argument de la sécurité n’était pas loufoque? Parce qu’un vacancier a photographié des femmes en burkini comme on photographie des animaux en cage et que la scène a dégénéré, on s’est dit qu’on supprimerait le comportement intoléré plutôt que l’intolérance?

Parce que les Français, tout d’un coup, sont les champions mondiaux du féminisme? J’en conclus donc que je ne me ferai plus harceler dans la rue la prochaine fois que j’irai à Paris, qu’il y a désormais la parité homme/femme à l’Élysée, que plus aucune Française ne torche son mari, qu’il n’y a plus d’agressions sexuelles, de violence conjugale ni de commentaire sur le cul de la secrétaire dans tout l’Hexagone? Eh bien, je me réjouis soudainement de mes origines! Je fais agrandir et laminer mon passeport sur le champ.

Blanche libération

Personne ne pense que le voile intégral est un symbole de libération des femmes. Mais pour ma part, je ne me sens pas très libérée non plus par les bikinis «push-up», les régimes et les traitements anti-cellulite. Qu’on nous demande de cacher nos corps ou qu’on exige d’eux qu’ils répondent aux attentes érotiques déraisonnables du patriarcat, aucune femme, voilée ou dévoilée, ne semble encore s’être complètement défaite de l’emprise masculine. Nous serons réellement libres le jour où nous irons à la plage avec le maillot qui nous chante.

Mais surtout, qui pensait que le Blanc (ou même la Blanche) qui dicte aux autres comment se comporter était un symbole de libération? Qui aiguise le couteau du racisme avec la pierre du féminisme? En France comme ici, les membres du groupe racial dominant n’ont pas la supériorité morale pour indiquer aux Musulmanes comment s’habiller et en quelles circonstances. Ils ont au contraire un devoir de réserve après autant de siècles à tyranniser le reste de la planète.

Qui aiguise le couteau du racisme avec la pierre du féminisme?

Il faut pouvoir penser le racisme pour lui-même, à côté du sexisme, bien qu’imbriqué avec lui. Comme deux roues d’un mécanisme mais qui tournent pourtant chacune autour de leur propre axe. Ces deux systèmes d’exploitation et d’oppression ont des conséquences graves qui ne peuvent pas être hiérarchisées. Ne pas considérer l’enjeu du racisme dans les luttes féministes, c’est tout simplement… raciste.

Noyer les minoritaires

De toute façon, d’un point de vue pratique, soyons honnêtes. Qu’adviendra-t-il des porteuses de burkini? Troqueront-elles leurs habits couvrants pour des triangles étriqués aux couleurs criardes? Bien sûr que non. Elles ne pourront tout simplement plus aller aux plages des municipalités ayant adopté la nouvelle législation. Un gros gain pour la cause des femmes!

Et si l’on passait la nouvelle règle à l’échelle de la France, non seulement pour les plages, mais également pour les piscines, qu’adviendrait-il? Une amie qui a été sauveteuse pendant des années me suggérait, pour souligner l’absurdité de la situation : «Tant qu’à ne pas leur apprendre à nager, on pourrait directement les noyer!» Noyer les cultures et les pratiques minoritaires, n’est-ce pas un peu le rêve de tout bon Blanc républicain?