La mine Canadian Malartic est la plus grosse mine d’or au Canada. En 2005, c’est la Corporation minière Osisko qui a démarré l’exploration de ce site minier et l’a exploitée jusqu’en 2014, année où les compagnies Agnico Eagle et Yamana Gold l’ont acquise. Exploitée à ciel ouvert, sa fosse s’étend actuellement sur deux kilomètres de longueur, 900 mètres de largeur et 110 mètres de profondeur.
Les 12 et 13 juillet dernier, le Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) a recueilli 118 mémoires et entendu près de cinquante citoyens et citoyennes et différents groupes d’intérêts sur un projet d’agrandissement que la mine souhaite concrétiser dans la prochaine année. À son terme, la fosse déjà en exploitation aurait une longueur d’environ 3,8 km, conserverait sa largeur de près de 900 mètres et aura une profondeur moyenne de 410 mètres. Une autre fosse, la fosse Jeffrey, serait également exploitée à ciel ouvert dans ce projet. Selon Canadian Malartic, ses dimensions atteindront 525 mètres de longueur et 309 mètres de largeur. Son exploitation est prévue en 2017 et en 2018.
Un voisin dérangeant
Les audiences du BAPE étaient donc une occasion pour de nombreux citoyens et citoyennes de la ville de témoigner de leur réalité de vivre aux côtés d’un tel chantier. «J’ai acquis ma résidence à cinq maisons d’où je suis né […] Le lendemain des tristes événements américains, le 12 septembre 2001, j’ai pris possession d’un bungalow sans me douter de ce qui m’attendait : me retrouver voisin d’une mine, de surcroît la plus grosse mine à ciel ouvert au Canada. « Oh My God », avoir su ce que je ne savais pas […], a raconté Mario Gagnon, citoyen de Malartic. J’ai, depuis ce temps, une seule idée en tête : couper avec tristesse ce qui m’a enraciné et quitter tout ce que j’y ai vécu de colère, de ressentiment, d’amertume, d’écœurement et de découragement et les dommages frontaux, latéraux et collatéraux que m’a causés la compagnie Osisko».
Mario Gagnon n’est pas le seul. En fait, son témoignage va dans le sens des revendications du Comité citoyen de la zone sud de Malartic qui représente environ 700 propriétés et logements, tous situés à l’intérieur d’un rayon de 800 mètres de la mine. Avant toute autorisation d’agrandissement de la mine, le comité demande à ce que «tous les propriétaires et locataires de la zone sud de la voie ferrée de Malartic, les plus impactés par la mine, aient le droit d’être relocalisés pour des raisons de santé, de bien-être et de qualité de vie s’ils le demandent, et ce, […] avec de justes compensations pour retrouver un logis de qualité semblable ailleurs à Malartic ou en région».
Les principales nuisances vécues par les voisins de la Canadian Malartic sont le bruit, les vibrations et la poussière engendrés par les opérations effectuées jour et nuit. Devant le BAPE, ils ont témoigné de leur stress vécu par la présence de la minière, leur manque de sommeil, leur perte de jouissance de la vie extérieure, et de la hausse importante du trafic routier.
Pour compenser ces nuisances, Mines Alertes Canada et la Coalition Québec meilleure mine revendiquent, dans leur mémoire au BAPE, la même mesure que le Comité de la zone sud, soit une zone tampon entre la mine et les résidents et résidentes qui devrait être d’au moins de 1 ou 1,5 km. En citant une étude de la Direction de la santé publique en Abitibi-Témiscamingue, Ugo Lapointe, de Mining Watch Canada, a insisté sur l’importance de cette zone. «Il est clair qu’une proportion importante de la population de Malartic vit un problème de santé publique, avec des taux de dérangement associés aux différentes nuisances variant de 15 à 78 % selon les différents quartiers de la ville. Même en ne considérant que la tranche des répondants se disant «fortement dérangés» les taux demeurent élevés : jusqu’à 23 % dans les quartiers nord de la ville et jusqu’à 61 % dans les quartiers sud de la ville», a-t-il évoqué.
Un voisin payant
La division sociale est une autre réalité vécue à Malartic, car des citoyens et citoyennes, des commerçants et commerçantes et des institutions se positionnent fortement en faveur de l’expansion de la mine. Celle-ci emploie près de 700 travailleurs et travailleuses et créerait, globalement, près de 1200 emplois directs et indirects. De nombreuses activités scolaires et sociales dépendent aussi maintenant de sa contribution. Par exemple, le Fond Essor Canadian Malartic aurait donné à la communauté malarticoise plus de 1,6 million de dollars. À elle seule, l’école secondaire de la municipalité a reçu un peu plus d’un demi-million de dollars de la mine et de son fond.
Plusieurs sont également fiers que Canadian Malartic ait permis une cure de rajeunissement de leur communauté. «Nous avions des infrastructures désuètes et peu salubres, a souligné devant le BAPE Michel Létourneau, citoyen de Malartic depuis 65 ans. Aujourd’hui, nous avons une école primaire qui fait l’envie de beaucoup de commissions scolaires du Québec, une garderie qui m’impressionne toutes les fois que je vais chercher un de mes petits-enfants, une salle de spectacle moderne, un nouveau centre d’hébergement pour personnes en perte d’autonomie, un nouvel HLM pour nos personnes âgées, un centre de formation pour adultes ,un très beau parc tout près de la fosse achalandée par des centaines de personnes jeunes et moins jeunes de la région et un Musée minier reconnu à travers la province, qui reçoit annuellement de nombreux visiteurs provenant de partout au Québec, au Canada et même de l’extérieur du Canada».
Des propriétaires de commerces locaux craignent aussi que le projet d’agrandissement de la mine soit refusé et ainsi, que sa durée de vie soit écourtée. Sébastien Leclerc, un jeune entrepreneur et copropriétaire de Chaussures R Leclerc, de Malartic, fait perdurer la vie d’un commerce qui a été créé par son grand-père en 1947. Selon lui, son magasin et toute la communauté malarticoise ne peuvent pas se permettre de passer à côté de cette chance. «Nous sommes appuyés par la minière grâce à une politique qui privilégie l’achat local. Cette opportunité a eu un impact majeur pour notre commerce, car cela nous a permis de développer un nouveau créneau dans le secteur industriel que nous n’avions pas auparavant. Avec cet ajout, nous avons engagé plusieurs personnes de plus pour répondre à la demande», a-t-il témoigné à son tour devant le président de la commission, Pierre André.
Un passé garant de l’avenir?
Ce sera donc le ministère de l’Environnement, du Développement durable et de la Lutte aux changements climatiques qui rendra sa décision sur l’agrandissement de la Canadian Malartic et sur la déviation de la route 117, nécessaire à cette extension. Le BAPE a jusqu’au 5 octobre pour déposer son rapport. C’est sur la base de ce rapport et de l’analyse environnementale que le gouvernement prendra ensuite une décision quant à l’avenir du projet.
Plusieurs intervenants, peu importe leur allégeance, ont mentionné au BAPE qu’ils avaient davantage confiance en Agnico Eagle et Yamana Gold, propriétaires de Canadian Malartic depuis 2014, qu’en la compagnie initiale, Osisko. En 2008, cette dernière avait enclenché son programme de relocalisation de plus de 200 résidences avant même que le BAPE autorise la construction de la mine en 2009.
Après plus de 800 000 mètres de forage, la production commerciale de la mine avait débuté en mai 2011.