Quand je dis l’UPAC, je ne parle pas de l’Unité permanente anticorruption, l’organisation qui dirige la lutte à la corruption au sein du gouvernement. Je parle plutôt de l’Unité professionnelle en attente de convention, formée de militants de mon syndicat, le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ).

La vraie UPAC a fait les manchettes le 17 mars 2016 avec l’arrestation de l’ancienne vice-première ministre Nathalie Normandeau pour complot, corruption, fraude et abus de confiance. Plus récemment, l’Unité anticorruption a même ouvert une enquête criminelle sur la falsification présumée de documents au sein du ministère des Transports du Québec (MTQ) ainsi que sur de possibles représailles subies par des employés. L’UPAC du SPGQ ne fait pas d’arrestations ou d’enquêtes criminelles, mais elle est tout à fait dédiée à la lutte contre la corruption.

Le SPGQ représente le personnel professionnel dans la fonction publique, dans plusieurs Cégeps, à Revenu Québec et dans plusieurs entités parapubliques. Nos membres sont sans convention collective depuis plus d’un an. Nous avons commencé nos négociations en même temps que le Front commun. Ce dernier est arrivé à une entente de principe au mois de décembre 2015. Quant à nous, notre syndicat a formé l’UPAC pour mettre en lumière nos négociations qui traînent des pieds et pour souligner l’importance de celles-ci pour la lutte contre la corruption.

Le gouvernement Couillard a affirmé haut et fort qu’il avait l’intention d’appliquer les recommandations de la commission Charbonneau, incluant celles concernant le développement de l’expertise interne. La dépendance du gouvernement du Québec face à l’expertise externe a ouvert la porte à la corruption, principalement sous la gouverne des libéraux de Jean Charest. La commission Charbonneau a démontré comment un manque d’expertise interne a été à l’origine de la décision au MTQ d’engager des firmes privées pour surveiller des travaux de construction entrepris par autres firmes privées, ce qui a contribué aux histoires de collusion et de corruption qui ont secoué le Québec. Quand vous confiez au loup la garde de la bergerie, vous courez après le trouble.

Des problèmes semblables se trouvent dans le secteur des technologies de l’information (TI). Face à ces enjeux, plusieurs groupes ont demandé une enquête publique sur l’informatique basée sur le modèle de la Commission Charbonneau. Supprimer des emplois dans la fonction publique fait partie du programme d’austérité, mais au bout du compte, il n’y a pas d’économie générée. Au contraire, le «bordel informatique» démontre sans équivoque que la sous-traitance est généralement plus coûteuse et ouvre la porte à la collusion et à la corruption.

Des compressions dans les services publics sont payantes pour des firmes privées, mais elles coûtent très cher à long terme pour la société et produisent un «besoin» pour encore plus de compressions. L’austérité et la corruption sont intimement liées. Les syndicats du secteur public comme le SPGQ combattent donc un monstre qui est à la fois l’austérité et la corruption: c’est un serpent à deux têtes.

Si le gouvernement veut remplir sa promesse de développer l’expertise interne, comme l’a recommandé la commission Charbonneau, il faut attirer et retenir des experts. Une mission impossible sans une augmentation de la rémunération du personnel professionnel. Les statistiques compilées par le gouvernement lui-même démontrent que le personnel professionnel du gouvernement du Québec gagne 18 % de moins sur le plan de la rémunération globale par rapport au personnel professionnel syndiqué dans le secteur privé. Si on le compare avec le personnel professionnel des autres paliers de l’administration publique (fédéral, municipal), cet écart est de l’ordre de 22 %.

Le personnel professionnel du gouvernement du Québec veille notamment à la qualité de l’eau, de l’air, de la terre, des aliments, des travaux publics, des finances publiques, de la sécurité des routes et de la qualité de l’enseignement de notre jeunesse. Faites-vous confiance aux firmes privées pour remplacer l’expertise de l’État et veiller à l’intérêt public?

L’Unité professionnelle en attente de convention est là pour rappeler au gouvernement l’importance de l’expertise interne dans la lutte contre la corruption. Ne soyez donc pas surpris quand l’UPAC débarque pour talonner le premier ministre Philippe Couillard lors d’un événement protocolaire, pour interrompre le discours de la ministre Dominique Anglade à une «garden-party» de réseautage TI ou pour manifester pendant une rencontre en région avec la vice-première ministre Lise Thériault.

David Bernans est le quatrième vice-président du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), responsable de la mobilisation des membres.