À première vue, comme progressiste, je crois qu’il serait juste de souhaiter le départ immédiat de Donald Trump. Sa campagne toxique bénéficie d’une couverture médiatique internationale. Tous les jours, des millions de personnes sont confrontées aux bassesses du candidat républicain. Si une majorité rejette ses déclarations avec dégout, le fait de répéter sans cesse des propos racistes, xénophobes et masculinistes a pour effet de les banaliser. Je ne suis plus surpris quand Trump affirme qu’il promeut le profilage racial contre les Arabes. Ces propos ont atteint le statut de normalité dans l’espace public.
En plus d’encourager des petits Trump à jouer le rôle d’ambassadeurs un peu partout dans le monde, sa campagne banalise ce genre de déclarations. «Denis Coderre interdira les pitbulls à Montréal. Donald Trump est en faveur du profilage racial contre les musulmans. En terminant, il fera 18 degrés Celsius aujourd’hui à Montréal. Bonne journée à notre antenne!»
En revanche, si on pousse la réflexion plus loin, Trump est probablement le seul candidat qu’Hillary Clinton soit en mesure de battre. Trump multiplie les cafouillages et a de la difficulté à dépasser la barre des 40 % dans les intentions de vote. Clinton, elle, dépasse difficilement les 45 % d’appuis. Le perdant des dernières présidentielles, le républicain Mitt Romney, a obtenu un meilleur résultat (47 %) que les intentions de vote actuelles de Clinton. Un autre exemple qui démontre jusqu’à maintenant à quel point la candidate démocrate fait pâle figure.
Ici, il faut me permettre une petite parenthèse théorique. Dans mes cours de science politique sur les États-Unis, on nous apprenait que la théorie dominante est celle du choix rationnel. Des centaines de politicologues américains, grassement payés, développent des modèles mathématiques pour prédire l’avenir en partant du postulat que les partis et les candidats vont tout mettre en œuvre pour maximiser leur chance de gagner : de là l’idée de rationalité. Dans le cas présent, on a plutôt l’impression que les deux partis ont maximisé leurs chances de perdre.
Clinton fera-t-elle campagne à gauche?
Certains pourraient penser qu’avec la montée de Bernie Sanders, Clinton choisira de mener une campagne présidentielle beaucoup plus à gauche. Pourquoi pas un mal pour un bien? Mais c’est bien mal connaître les partis centristes. Ce type de formation politique (le NPD, le PQ, ou le PS en France) essaie rarement de séduire l’électorat de gauche. La plupart du temps, outre les libéraux fédéraux qui font figure d’exception, elles essaient plutôt de courtiser la droite modérée.
La présence de Donald Trump permet à Clinton de se tourner vers les républicains modérés, très libéraux sur les questions sociales et économiques. Ces gens trouvent Trump gênant. Ils souhaitent l’élimination de plusieurs interventions économiques de l’État et rêvent que leurs placements fructifient en bourse, peu importe la façon d’y arriver. Ils sont économiquement de droite, mais ils n’ont aucun problème avec le mariage gai. Maintenant que les primaires sont terminées, Clinton tentera probablement sa chance avec ce type d’électeurs plutôt qu’avec la base électorale de Bernie Sanders. En effet, celle-ci n’aura pas d’autre choix que de voter pour le Parti démocrate si elle ne veut pas voir Trump comme président. François Hollande essaie la même tactique face à Marine Le Pen. Une stratégie qui, jusqu’à maintenant, a été couronnée de succès : 83% des Français se disent insatisfait de l’action du Président de la République française!
Alors le dilemme est entier. Imaginez : on pourrait mettre au rancart un possible futur dictateur qui flirte avec le fascisme pour le remplacer par quelqu’un d’un peu moins terrifiant, mais qui battrait fort probablement Hillary Clinton. Si vous aviez le pouvoir de changer les candidats avant la convention républicaine, vaudrait-il mieux avoir Trump comme candidat et Clinton comme présidente ou un Paul Ryan comme président et Hillary Clinton comme candidate?