J’y suis allé en même temps que 100 000, 200 000, 300 000 Berlinois-es, je ne saurais dire. Chose certaine, je n’étais pas seul. Il y avait autour de moi une bonne partie de la ville. Il y avait une atmosphère incroyable. Et il y avait, devant nous, la porte de Brandebourg.
La porte de Brandebourg, en ce 26 juin, c’était beaucoup d’Allemand-es et trois ou quatre Slovaques qui regardaient le match de huitième de finale de l’Euro. Tous et toutes au même endroit, sur cette immense place publique.
On a d’ailleurs peine à imaginer l’ampleur de ce site. Tout comme celle des commanditaires qui l’occupent. Par centaines, des panneaux rouges, blancs, illuminés, entourent cette foule jeune, animée, assoiffée. Les vendeurs de saucisses, de drapeaux de l’Allemagne, de cocas et de bières aussi…
100 000, 200 000, 300 000, vraiment, on ne peut dire combien il y avait de gens et de commanditaires sur cette place.
C’est donc d’ici que l’on prend un recul aujourd’hui ; une journée ensoleillée, une journée de matchs, un autre regard sur le temps qui passe.
Un pas en avant et l’Allemagne marque rapidement un premier but contre la Slovaquie. Un pas en arrière et la Porte Brandebourg, majestueuse derrière l’écran, nous rappelle le passé.
Un pas en avant et l’Allemagne rate un penalty. Un pas en arrière, on lève les yeux et on voit presque Napoléon sous cette porte, l’armée d’Hitler sous cette porte, le Mur de Berlin se dresser le long de cette porte.
Un pas en avant et l’Allemagne marque un deuxième but. Un pas en arrière et, par le plus grand des hasards, c’est aussi un 26 juin que le président des États-Unis, John F. Kennedy, se présenta devant ce mur et prononça l’un des discours les plus importants de l’histoire moderne : «All free men, wherever they may live, are citizens of Berlin, and, therefore, as a free man, I take pride in the words « Ich bin ein Berliner! »». C’était il y a très exactement 53 ans.
Un pas en avant et l’Allemagne marque un troisième but. Un pas en arrière et en 1989, le mur qui tombe, les gens qui célèbrent, le monde qui change.
Le but de ce voyage, c’est de regarder l’Europe, de la vivre, entre autres à travers un tournoi de foot, à travers les gens que l’on rencontre, une pinte, un événement, un lieu, une journée à la fois…
Un pas en avant et je me rends à l’un des nombreux comptoirs sur le site. Je prends une Berliner, je me rapproche de l’écran ; un écran qui n’arrive pas à cacher entièrement la porte de Brandebourg. Je lève alors ce verre à la mémoire du passé et, oui, par gratitude du présent.
Ah oui, j’oubliais presque, aujourd’hui l’Allemagne a finalement vaincu la Slovaquie 3 à 0 et passe à la ronde suivante. «Tu verras, ce sera un bon moment» avait aussi dit l’Allemand rencontré sur la route. Il avait raison. Parti, Partie, Parti(es).
«Nous ne vivrons plus jamais une journée comme celle-ci tant que nous serons de ce monde»
– Pierre Salinger à J.F. Kennedy le 26 juin 1963.