«Leave» comme dans : quitter, rejeter, rompre. «Leave» comme dans s’affirmer, se rassurer, vouloir se protéger. «Leave» comme dans : «refermons la porte», «ceci est la solution», «tout ira mieux après».
Un vote venait donc d’avoir lieu dans le pays où je m’étais endormi et, au matin, ce pays, ce monde, n’était plus tout à fait le même. 52 % d’une population venait d’appuyer sur le mot «leave», un Premier ministre venait de prononcer à son tour le mot «leave», et de ma fenêtre j’entendais très clairement deux hommes se quereller au sujet du mot «leave».
Je me suis alors habillé, j’ai pris deux cafés et je suis allé dans la ville pour voir, entendre, essayer de comprendre. Je suis passé au cœur de Piccadilly Circus et Trafalgar Square, devant le 10 Downing Street, devant le Palais de Westminster, sur les rives de la Tamise et, comme la plupart des gens que je croisais, j’étais encore stupéfait, presque incrédule, dans la phase du «déni» comme disent les psys. Un mot, un seul : «leave».
Puis, en milieu d’après-midi est arrivé le mec avec son t-shirt bleu. Il a déposé son immense pile de journaux sur le sol, a levé celui sur le dessus, l’a brandi devant les passants et a crié «Evening Standard! Freeeeeee! Evening Standard!»
Sur la couverture, les mots «We’re Out» occupaient l’espace, comme dans : «c’est confirmé», «plus de doutes», «vous n’avez pas rêvé». Des mains se sont aussitôt tendues. Les copies se sont envolées. Sur presque toutes les pages, encore et encore ce mot : «Leave».
En regardant ces gens plongés dans ce qu’ils savaient déjà, là, sur les marches des escaliers, dans les rames de métro, sur les terrasses, partout… j’ai ainsi repensé au sens du mot «leave». Comme dans : chercher un autre endroit, comme dans : prendre des risques, comme dans : quitter ce que l’on a pour un monde que l’on croit meilleur. N’est-ce pas aussi curieusement très proche de ce que vivent les personnes immigrant-es qui cherchent à vivre dans ce royaume, très proche donc, de cette immigration qui fait si peur et qui a clairement fait basculer le poids du vote vers le mot… «leave»?
Ah oui, j’oubliais presque, il n’y avait toujours pas de match à l’Euro aujourd’hui. Le moment était donc idéal pour aller au théâtre, voir et entendre Richard III de Shakespeare qui commence par ces mots : «Now is the winter of our discontent, made glorious summer by this sun of York». Parti, Partie, Parti(es)