Nous sommes à Newry, une ville d’Irlande du Nord à peu près à mi-chemin entre Belfast et Dublin. Environ 25 000 personnes y vivent. Son cœur est constitué de quelques églises catholiques, certaines protestantes, d’un hôtel de ville, de commerces qui ferment à 17h et d’un petit canal creusé il y a 400 ans, dans lequel on trouve maintenant trois fontaines un peu ridicules.

D’un côté du canal c’est le terminus, de l’autre il y a un bingo, et tout autour, une odeur d’épandage ou, comme on dit chez moi, de «natûûûre». Le paysage jumelé à un ciel gris donnent donc des photos qu’on ne regardera pas souvent dans sa vie. Aussi bien être réaliste et efficace; vouloir faire preuve de créativité photographique ici aujourd’hui semble particulièrement superflu.

De plus, cela enlève du précieux temps à ce plaisir d’entrer dans ces pubs un peu sombres, avec ces belles boiseries rougeâtres, offrant de la Harp brassée pas très loin d’ici.

Au Granary Bar, la moyenne d’âge avoisine les 70 ans. Un bouquet de marguerites est déposé sur la table de trois vénérables dames qui sirotent leur vin blanc. L’Allemagne mène contre l’Irlande du Nord sur le grand écran. Au bar, deux hommes discutent du «Brexit» de jeudi prochain lors duquel des millions de citoyens britanniques sont appelés à voter.

Au bar, deux hommes discutent du «Brexit» de jeudi prochain lors duquel des millions de citoyens britanniques sont appelés à voter.

D’un côté, aussi bien «sortir de l’Europe» parce que l’immigration fait peur, le pouvoir et les contraintes de l’Union européenne aussi. De l’autre, se séparer de cette Union, «ce serait peut-être revenir aux frontières et aux passeports pour traverser la frontière avec l’Irlande» craint l’un des deux clients, et «ce serait peut-être aussi l’isolement économique et une Irlande du Nord encore et toujours fragile.»

Au Bellini, l’endroit est un peu plus désert. Le match vient de prendre fin. Le serveur amène un «chicken curry» et une pinte. Sur les écrans commencent les infos de la BBC. Bien sûr, les manchettes portent sur le vote historique de jeudi. Les pour, les contres, une clip. Et tout à coup,«mute»…on entend maintenant David Gray chanter ironiquement «This year’s love» dans les haut-parleurs. Rapidement, on devine que le sujet, malgré son importance, est arrivé à son point de saturation. «Les gens n’en peuvent plus» m’explique-t-on.

Rapidement, on devine que le sujet, malgré son importance, est arrivé à son point de saturation.

Enfin, en marchant vers l’un des trois hôtels de la ville, on croise à peine deux pancartes de rue favorisant le maintien ou le retrait de l’Union. Puis, sur la droite, le pub «Brass Monkey» ; un autre endroit sympathique avec quantité d’amis ivres qui l’animent. On pourrait donc ainsi croire que la plupart des discussions portent ici sur le scrutin d’après demain…et pourtant, on y parle des prochaines vacances cet été chez un cousin, du mariage d’untel auquel on ne croyait plus vraiment et oui, à la table de droite, il y a bel et bien un échange de positions, ou plutôt une unanimité, sur le fait que, quoi qu’il arrive, il faudra bien continuer à vivre ici vendredi matin, au lendemain du vote

Ah oui, j’oubliais presque, toutes ces personnes ont bien sûr assisté à la défaite, en début de soirée, de l’Irlande du Nord 1 à 0 contre l’Allemagne. C’étaient alors les toutes premières pintes de mes voisins de table, mais… non pas les dernières. L’Irlande du Nord est tout de même qualifiée pour la suite du tournoi. Parti, partie, parti(es)…

«Should the United Kingdom remain a member of the European Union or leave the European Union» – Question officielle qui sera posée jeudi au Brexit.