Les progressistes sont divisés sur la question. Même le Parti travailliste britannique, qui supporte officiellement la campagne Remain, donc en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’UE, doit cacher certaines divisions dans le parti.

En effet, le centre de recherche étatsunien Pew a demandé aux Britanniques s’ils et elles étaient en accord avec l’affirmation : «certains pouvoirs devraient retourner aux gouvernements nationaux». 65 % des personnes sondées étaient d’accord avec cette affirmation, mais seulement 49 % des partisans et partisanes des travaillistes l’étaient, alors que 77 % des conservateurs soutenaient le rapatriement de certains pouvoirs et 93 % chez le parti raciste d’extrême droite, United Kingdom Independence Party (UKIP). C’est donc dire que les travaillistes sont les seuls à ne pas avoir de partisan-es majoritairement d’un côté.

Le chef des travaillistes, Jeremy Corbyn, a d’ailleurs lui-même voté contre la présence du Royaume-Uni dans le projet européen en 1975 et en 1993. Certains de ses partisan-es lors de la course à la chefferie l’été dernier militent d’ailleurs aujourd’hui pour la sortie du pays de l’UE, comme l’activiste John Rees, connu notamment pour son implication dans la coalition Stop the War contre la guerre en Iraq.

C’est aussi le cas du chargé de cours et activiste de Counterfire, un groupe militant, Tom Whittaker, qui estime que les politiques d’austérité à travers l’Europe sont entre autres attribuables à l’UE en tant qu’institution. «Le pouvoir réel appartient à des non-élus comme la Commission et le Conseil européen», dénonce-t-il.

«Le pouvoir réel appartient à des non-élus comme la Commission et le Conseil européen»

Il croit d’ailleurs que Jeremy Corbyn est dans une position très ambigüe, puisque «s’il est élu en 2020 par exemple, il faudra qu’il affronte l’élite européenne pour faire appliquer son programme, qualifié de radical». Il y voit un «compromis tactique» pour éviter de diviser les travaillistes, alors que son élection à la tête du parti avait déjà polarisé les membres. Il estime aussi que Corbyn a fait ce choix pour se distancer des leaders «toxiques» de la campagne Leave faite par la droite.

C’est pourquoi Tom Whittaker ne milite pas dans la campagne Leave globale, mais avec la campagne Lexit, mis pour Left (gauche) et Brexit. Il affirme qu’elle aura donné une voix à la majorité des électeurs et des électrices du milieu ouvrier du Parti travailliste qui voteront, selon lui, majoritairement pour que le Royaume-Uni quitte l’UE, en signe de protestation «contre les inégalités grandissantes dans le pays et contre les élites».

Contrairement à lui, le militant pour la campagne Remain sous la bannière du groupe Another Europe is Possible, Zac Muddle croit qu’une victoire de la campagne Leave renforcerait les «politiques anti-immigration et donnerait du vent dans les voiles à UKIP ainsi qu’à la droite du Parti conservateur». Il comprend toutefois les motifs de certaines personnes à vouloir quitter l’UE, parce que lui-même croit que la confédération doit changer étant donné ses nombreux problèmes démocratiques.

Il demeure toutefois optimiste. «Même si l’UE demeure une institution au service des grands capitaux, l’accroissement de l’intégration entre les pays et l’amenuisement des frontières permet une solidarité internationale qui facilite le combat contre l’austérité et le néolibéralisme», explique-t-il.

Issue du scrutin

Malgré que personne ne veuille réellement s’avancer sur les résultats du référendum, certaines données sont intéressantes.

Malgré que personne ne veuille réellement s’avancer sur les résultats du référendum, certaines données sont intéressantes. D’abord, les Britanniques en faveur du Brexit, selon le portrait dressé par le Telegraph, sont généralement des hommes de plus de 60 ans de la classe ouvrière. Il s’agit d’une population qui a voté à 62 % lors des dernières élections, et à 78 % si on considère seulement l’âge, ce qui laisse croire à une sortie de vote somme toute facile pour la campagne Leave, puisque le taux de participation global était de 66 % à ces mêmes élections.

Une victoire retentissante de celle-ci demeurerait néanmoins étonnante. Les Écossais sont largement en faveur du Remain, et 71 % d’entre eux se sont présentés aux urnes lors des dernières élections, notamment en raison de la popularité du Scottish National Party. Ce dernier, qui souhaite demeurer dans l’UE, menace d’ailleurs de tenir un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Écosse si la campagne du Leave l’emporte ce soir.

Par ailleurs, les jeunes pourraient aussi sortir voter en masse à l’occasion du référendum, et les sondages les donnent en général à 55 % en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’UE. Plusieurs croient que le fait qu’ils sentent que leur vote fait réellement une différence pourrait les inciter à enregistrer leur vote.

Ajoutez à cela les 10 % d’indécis-es à la veille du vote ainsi que la prime à l’urne en faveur du statu quo lors de campagnes serrées, et la possible avance de la campagne Leave se rétrécit.

Bref, difficile d’avoir des certitudes, alors, plutôt que de spéculer, les travaillistes et les conservateurs se préparent à réagir aux résultats. Certains avancent que si la campagne Leave l’emporte, David Cameron devra démissionner et, possiblement, laisser sa place à un eurosceptique issu de la droite du Parti conservateur. Le chef travailliste, Jeremy Corbyn, a d’ailleurs affirmé avant-hier qu’il était «très, très prêt» à se battre lors d’une élection qui suivrait la défaite du camp pro-Union européenne.

Bref, difficile d’avoir des certitudes, alors, plutôt que de spéculer, les travaillistes et les conservateurs se préparent à réagir aux résultats.

Les institutions financières, de leur côté, pourraient être plus ou moins paralysées au lendemain du référendum. L’entreprise de transfert de fonds dans des devises différentes, TransferWise, a d’ailleurs avisé ses utilisateurs et utilisatrices que «les taux de change pourraient être volatiles» le 22 juin et que tous les transferts bancaires vers ou provenant du Royaume-Uni seront bloqués aujourd’hui jusqu’à ce que les résultats soient connus.

L’incertitude règne donc partout au Royaume-Uni aujourd’hui dans l’attente du verdict populaire sur le Brexit. Les résultats complets seront connus ce soir à 22 h 30.


Pour plus de détails, la BBC a produit un résumé des enjeux du référendum.