C’est le cas de Sirar Charba, la chef et entrepreneure derrière les gourmandises des Délices Sirar. Ingénieure en industrie alimentaire et chef de production dans l’industrie des huiles alimentaires en Syrie, la jeune maman refusait d’être recalée au rang de technicienne et de travailler de nuit une fois arrivée au Québec. Devant l’impasse, l’idée de sa confiserie artisanale et locale a rapidement germé dans son esprit.
Elle a cogné à la porte de plusieurs organismes, mais le premier à réellement lui faire confiance a été l’Association communautaire d’emprunt de Montréal (ACEM), qui lui a prêté 10 000$ en 2014. En octroyant de petits prêts, l’organisme à but non lucratif finance ceux et celles qui n’ont pas accès au crédit «normal» des institutions financières, mais qui ont de la motivation à revendre, grâce à des prêts sur l’honneur financés majoritairement par le privé.
Aujourd’hui, les baklavas, loukoums, sandwichs shawarma et couscous s’envolent à la vitesse de l’éclair chez les Délices Sirar. «Lundi, je devais fermer à 18h, mais je suis restée jusqu’à 19h15. C’était trop achalandé le soir, alors on a changé nos horaires!», raconte Sirar dans un français impeccable. «L’ACEM a cru en moi. J’ai défendu mon projet, ils ont vu que j’étais sérieuse et ils m’ont donné le prêt.»
Ce premier coup de pouce de l’ACEM a mis la jeune entrepreneure sur le chemin du Fonds Mosaïque, qui lui a à son tour prêté 25 000$. Le Fonds Mosaïque vise la création d’entreprises dans toutes les communautés culturelles et amène un soutien financier sous forme de prêt ou de garantie de prêt, habituellement entre 5000$ et 25 000$. Filaction, qui finance des PME québécoises, et le gouvernement du Québec ont mis sur pied ce fonds pour une raison récurrente chez les entrepreneur-es immigrant-es: le manque d’accès au crédit.
Beaucoup d’initiatives veulent stimuler l’entrepreneuriat chez les personnes immigrantes, comme le Salon des jeunes entrepreneur-es immigrant-es, qui se tiendra le 29 octobre à Montréal. Toutefois, peu les financent à la hauteur de leurs besoins et à long terme. «Même les entreprises financées depuis cinq ans à l’ACEM, qui ont un très bon crédit, n’arrivent pas à obtenir un prêt à la banque. Quand tu es à faible revenu et que tu n’as pas de garanties, c’est encore plus difficile», témoigne Florence Lardanchet, coordonnatrice du programme Objectif Entrepreneuriat de l’ACEM.
«Il y a du soutien et de l’accompagnement pour les entrepreneur-e-s immigrant-e-s, mais pas de financement. La première fois, personne ne donne un prêt, même pas aux jeunes qui sont ici, dénonce Sirar Charba. Celle-ci convient toutefois, comme bien d’autres, que la recette du succès tient à l’accompagnement et au soutien que reçoivent les entrepreneur-es soutenu-es par les divers organismes, un avis partagé par Benjamin Folch. Celui-ci, arrivé de Belgique pour un postdoctorat en bio-informatique, planche actuellement sur un projet de café «circulaire» autosuffisant. «Ils m’ont appris à avoir de la répartie, le sens des affaires, à me remettre à question, à convaincre, à avoir de la motivation et surtout à avoir confiance en moi», énumère-t-il, les yeux brillants.
Avant l’entrepreneuriat, la reconnaissance d’acquis
À l’instar de Sirar, beaucoup de jeunes diplômé-es cognent à la porte de l’organisme alors qu’ils n’ont pas réussi à percer dans leur milieu professionnel, faute de reconnaissance de leurs compétences par leurs ordres professionnels ou par le gouvernement. «Ils et elles sont en processus d’adaptation, et ont tout à faire, à bâtir. Souvent, ces personnes se retrouvent dans une situation de précarité financière, en plus de devoir débourser un certain montant pour la reconnaissance d’acquis», explique Martha Remache, conseillère du programme Objectif Reconnaissance de l’ACEM.
Pour éviter que l’entrepreneuriat ne devienne une «solution de rechange», le gouvernement fédéral a mis sur pied un projet pilote entre 2012 et 2015 avec l’ACEM pour financer la reconnaissance d’acquis professionnels. Avec le changement de gouvernement toutefois, le programme est sur la touche et l’organisme a dû financer lui-même les opérations du programme l’an dernier. Il attend toujours un éventuel feu vert du fédéral.
Tous plaident pour un meilleur soutien financier aux personnes immigrantes, dont la résilience et la débrouillardise peuvent apporter beaucoup à la société. «Ce sont des gens qui ont du courage, qui peuvent faire tellement de choses en même temps: travailler, étudier, s’intégrer à la société, en ayant parfois deux ou trois enfants enplus, affirme Martha Remache. C’est énorme, ce sont des gens admirables.»
Pour ces intervenantes communautaires, c’est à la société d’accueil à mettre en place des moyens pour mieux intégrer ces personnes immigrantes et leur donner les moyens d’aller au bout de leurs rêves.