La semaine dernière, j’ai rangé les cachemires de ma mère morte pis j’ai sorti mes p’tites robes, mes shorts, pis ma cicatrice d’accident poche de scooter en Thaïlande.
Quand je traverse Villeray en vélo avec ma p’tite robe, ma cicatrice d’accident de scooter poche en Thaïlande pis du soleil dans ma face, j’ai le sourire qui me sort par les oreilles pis ça fait sourire les grands-mères et les grands-pères qui chillent sur leur balcon. Même les chats sourient, on dirait. On a du muguet plein les yeux pis la belle saison qui pulse dans nos veines. Toi aussi, l’été, je pense qu’on est faits l’un pour l’autre.
Fait que c’est avec ma face ben trop contente pour la ligue que j’arrive à la hauteur du marché Jean-Talon. Pis là, immanquablement, à la lumière, je me fais catcaller par un dude. C’est quoi ton hostie de problème? T’as jamais vu ça, des longues jambes avec une cicatrice d’accident de scooter poche en Thaïlande?
Je continue mon chemin à travers le Mile-End, pis rendue à Clark/Mont-Royal, un autre illustre inconnu sent le besoin de me partager ses carences sexuelles. Dude, c’est l’fun qu’on en parle, je me demandais justement si t’avais répondu à tous tes besoins primaires aujourd’hui!
Rendue au centre-ville, on me dévisage le corps pendant que je barre mon becyc. Je commence à me demander si, dans le fond, je suis en camisole pis j’ai oublié de mettre mes shorts. Le soir, dans une fête où je ramasse candidement des ballons pour les relancer dans la foule comme un enfant de cinq ans, je me fais pogner dans un coin par un gars qui m’avait déjà abordée plus tôt et à qui j’avais grommelé une réponse sans le regarder. Un signe qui ne trompe pas habituellement si t’es pas centré sur tes fucking besoins.
Là, je suis là dans un coin, un peu à moitié en petit bonhomme avec trois quatre ballons entre mon ventre pis mes cuisses. Son body language me rappelle que je n’ai pas cinq ans, mais que je suis une adulte sexuellement mature. J’me sens nue en tabarnak avec ma robe ouverte dans le dos. Pendant une fraction de seconde, j’ai peur. Pourtant, je suis pas cette fille-là. Je suis pas gênée, je suis pas menue, je suis pas vulnérable. Toutes ces choses que je ne veux pas surtout pas être et que je passe mon temps à démentir en société, au point où ça devient un peu épuisant à la longue.
Mais là, j’ai pas le temps de refaire ma fucking psychothérapie des 14 dernières années en accéléré, je regarde un peu avec des yeux de panique autour de moi, voir si n’importe qui aurait pas le goût de faire semblant d’être ma date. Ben oui, parce qu’une femme seule est une femme disponible pour tous, c’est bien connu. Finalement, je fais juste partir en courant en échappant toutes mes ballounes sauf une. C’est pas très glorieux.
À la sortie, il est encore là. On dirait qu’il m’attend. Il me dit je sais pas quoi. J’écoute pas. Câlice que c’est lourd. T’es qui, toi? Je t’ai rien demandé. Je t’ai envoyé aucun signe d’intérêt (inquiète-toi pas, c’est assez clair quand je suis intéressée). J’ai pas le goût. J’veux juste rentrer chez nous pis me mettre en pyjama mou pas sexy avec ma plaque occlusale vraiment débandante.
On dirait que j’m’en veux quasiment d’avoir mis ma p’tite robe cute, même si je l’sais qu’il faut pas aller là. Que j’ai envie de me demander pourquoi il a fallu que je mette du rouge à lèvre orange qui fittait avec mes sandales de mère morte. Ben oui, j’ai le goût de plaire, comme une maudite hétérosexuelle! Mais j’ai pas le goût de plaire aux douchebags. Comment on fait ça? Je suis tu sensée attirer les cool guys avec ma fucking beauté intérieure? Pourquoi, une belle soirée d’été comme ça, ça finit avec un goût doux-amer dans la bouche?
Je le sais plus comment m’habiller pour que ce soit correct. Pour pas perdre au jeu de la séduction, parce que laisse moi t’dire que quand j’étais moins «féminine», les gars regardaient les filles plus «féminines» en esti. Même nos collègues hippies en écologie avec leur bouteille Nalgène pis leurs shorts en mars avec des bas gris avec des lignes rouges. Pis ça me fâchait, pis un moment donné je me suis tannée de me fâcher. Pis en même temps, pour pas me sentir comme un esti de morceau de viande sur mon becyc, ni comme une proie avec trois-quatre ballons pognés entre le ventre pis les cuisses. Comment on fait ça, hein?
Des fois, on dirait que je suis fatiguée d’être une féministe hétérosexuelle. J’ai l’impression d’être dans un constant mindfuck.
Le paradis, est-ce que c’est comme un début d’été perpétuel, mais sans tous ces dudes qui veulent te rappeler que t’es un peu leur chose, dans le fond?