«Je crois que c’est un acte de leadership à l’intérieur du Parti Québécois de dire ce que je propose», affirme le député de Rosemont. Sa position ne plait pas à bien des militant-e-s souverainistes issus des trois formations indépendantistes, mais malgré cela, il croit que la convergence est possible. Il croit que le chef démissionnaire du PQ, Pierre Karl Péladeau, et la candidate à la direction du parti Véronique Hivon ont entamé une bonne démarche avec la convergence des forces souverainistes et que OUI Québec est la bonne plateforme pour la matérialiser.
Même s’il convient que tous et toutes ne seront pas séduits par sa proposition pour les élections de 2018, ce dernier leur laisse la porte ouverte. «La convergence est essentielle. Les gens peuvent embarquer dedans à n’importe quel moment», affirme-t-il. Il croit que la pression est tellement forte au sein des organismes communautaires et des syndicats pour chasser le Parti libéral du pouvoir que son option pourrait s’imposer comme «la plus porteuse, la plus fructueuse» pour les militant-e-s de Québec solidaire et d’Option nationale. «Je dois démontrer comme chef que notre trajectoire est très sérieuse.»
Sa stratégie est déjà bien établie : dans un premier temps, les souverainistes doivent discuter et s’entendre sur les enjeux touchés par la souveraineté et les publiciser, mais ensuite, «on ne va pas attendre d’avoir toutes nos positions pour en parler. Je veux amorcer une campagne d’animation indépendantiste comme on n’en a pas vu depuis 1995», affirme Lisée. L’argent nécessaire pour cette promotion viendrait cependant du mouvement indépendantiste et non des coffres de l’État.
Chasser les libéraux, mais encore
De nombreux militant-e-s souverainistes ont reproché au candidat à la direction du PQ que chasser les libéraux ne devrait pas être une fin en soi. Jean-François Lisée croit qu’il faut avant tout repasser par l’étape du «bon gouvernement» et voit comme essentiel de réparer la «destruction libérale» avant de proposer un référendum. Les premiers dossiers qu’il mentionne sont de réparer le filet social, le rôle des organismes communautaires, le logement social, et l’implication de la société civile. Le candidat veut également miser sur la création d’emplois et l’éducation, où les libéraux ont échoué selon lui.
«Quatre ans d’augmentation de salaire des médecins suffirait à mettre à niveau toutes les écoles vétustes de la Commission scolaire de Montréal (CSDM). C’est un chantier national important de redonner des écoles saines, intéressantes et motivantes aux jeunes», affirme-t-il. Réinvestir dans l’éducation est nécessaire selon lui, tout comme redonner vie aux CPE, plus performants que les garderies subventionnées, pour préparer les enfants à la réussite.
Il croit qu’il faut aussi regagner la confiance des Québécois-e-s et des Néo-Québécois-e-s, notamment en confiant au Vérificateur général (VG) le dossier de l’immigration pour le dépolitiser. Lisée voudrait que ce soit le VG qui détermine le seuil d’immigrants à accueillir annuellement, de façon impartiale. Le Parti libéral et le Parti Québécois sont accusés de jouer avec les seuils d’immigration à des fins partisanes, tandis que le Vérificateur général est l’un des organismes les plus respectés des citoyen-nes. «Je sais que si on aborde ce sujet de manière trop directive, on va être suspects, je le reconnais. Il faut trouver une façon de dépolitiser ce sujet et de montrer notre bonne foi», affirme le député de Rosemont, qui désire se baser «sur les faits et la science» pour traiter de ce dossier délicat.
Il veut avant tout régler le problème d’intégration des nouveaux arrivant-e-s. «On brise des vies, des milliers et des milliers de vies» en échouant à accueillir ces 50 000 personnes chaque année, croit-il, et réussir demanderait un investissement supplémentaire déterminé par le Vérificateur général. Négocier des ententes de reconnaissance des compétences professionnelles avec la Tunisie, le Maroc et l’Algérie, offrir une aide financière aux immigrant-e-s en formation professionnelle et réduire le délai de délivrance des évaluations de diplômes étrangers permettraient selon lui une intégration mieux réussie.
Le Parti Québécois devra aussi élaborer une stratégie pour convaincre les Néo-Québécois-e-s qui sont méfiant-e-s de la perspective d’un référendum. «On a six ans pour être présents aux bons endroits, envoyer des personnes et recruter pour représenter le Parti Québécois dans la diversité», note-t-il. Le but est d’élargir la base militante en 2018 avec plus de Néo-Québécois-e-s et de s’en servir comme tremplin pour démontrer le sérieux et l’ouverture du mouvement souverainiste à un éventuel prochain rendez-vous référendaire.
Une rupture malgré tout
«Jean-François Lisée est moins dans une logique revendicatrice», observe Olivier Turbide, professeur du Département de communication sociale et publique de l’UQAM. Il y a une certaine cohérence dans sa position, car il propose une rupture avec le règne de Pierre Karl Péladeau, notamment sur la stratégie de la convergence et sur la question des fonds publics investis pour la promotion de la souveraineté.» Malgré l’insistance du candidat à reconnaître l’importance de la convergence, le professeur doute que certains autres partis indépendantistes soient aussi ouverts à lui.
Logeant au centre gauche, se réclamant de Lévesque et de Parizeau, «Jean-François Lisée mise sur des valeurs de fond auxquelles la société québécoise tient beaucoup, croit Olivier Turbide. On peut deviner que ce n’est pas un candidat populaire au sein du PQ en raison de son historique, mais il s’adresse à un public beaucoup plus large. Il sait qu’il n’a pas une base militante très forte qui a son appui. Il veut construire un appui par la bande, par l’opinion publique.»
Garder la faveur de toutes les formations indépendantistes sera certainement utile pour ce candidat qui, parce qu’il n’a pas peur de livrer le fond de sa pensée, dérange son parti.