Jean-François Lisée a pourtant été un fervent partisan de la convergence des forces souverainistes il y a quelques années à peine. Il voyait comme dangereuse la division du vote souverainiste, qui permettait aux libéraux de s’en tirer avec la victoire. Or, en refusant de tenir un référendum dans un premier mandat, il risque de pousser bien des péquistes vers les autres partis indépendantistes; Québec solidaire et Option nationale.
Sa position est vue comme une trahison par bien des militant-e-s, même s’il cite maintenant Jacques Parizeau pour justifier que les Québécois-es ne sont pas prêt-e-s à un troisième référendum. «Ç’a le mérite d’être clair, mais c’est une frontière qu’aucun chef ne voulait franchir auparavant», fait valoir Gabriel, début vingtaine, de Québec, qui vient tout juste de reprendre sa carte de membre du parti après l’avoir délaissée pendant quelques années. Ricochet a tenté à plusieurs reprises de joindre Jean-François Lisée pour connaître sa position face à cette réaction de la base militante, sans succès.
Gabriel, qui est membre à la fois du Parti Québécois, d’Option nationale et de Québec solidaire, croit que l’élection d’un nouveau chef est une opportunité en or pour consolider une coalition souverainiste multipartite. «Les trois types de personnalité politiques des chefs permettraient d’aller chercher un maximum de gens dans le bassin d’électeurs et d’électrices le plus important, celui des indécis-es. La position du PQ ne devrait pas être de préparer le référendum, mais plutôt que de mettre d’accord avec les autres partis sur les points fondamentaux d’un pays», dit celui qui milite activement en faveur de cette convergence. Il est conscient que cette course à la direction place le mouvement souverainiste à la croisée des chemins. «La game se joue en ce moment.»
Chose certaine, «sa candidature va permettre un débat sur les différentes dimensions d’un référendum, car Jean-François Lisée va obliger les autres candidats à se positionner aussi sur la question», explique Olivier Turbide, professeur au Département de communication sociale et publique de l’UQAM. «C’est un empêcheur de tourner en rond, mais il croit vraiment que la meilleure solution à court terme, c’est l’exigence d’un bon gouvernement.»
Chez les autres candidats dans la course, Véronique Hivon semble quant à elle avoir repris le flambeau de la convergence, mais Alexandre Cloutier s’est gardé de se prononcer à ce sujet. Tous deux s’adressent aux militant-es péquistes qui devront élire un nouveau chef, alors que Jean-François Lisée en appelle à un électorat plus large. «Il a une vision plus englobante et il comprend qu’il faudra un candidat crédible qui sera capable de faire campagne contre Philippe Couillard et qui pourrait devenir premier ministre», ajoute Olivier Turbide.
Sa position pourrait pousser des «pressé-es» à sauter dans l’arène, comme la députée de Vachon Martine Ouellet, la seule qui a pris un engagement clair envers un référendum dans un premier mandat lors de la dernière course.
Problème de positionnement
Ce débat entre candidats sur la mécanique d’un troisième référendum relègue toutefois aux oubliettes ce que ferait de l’État le parti s’il était élu sur la santé, l’éducation, l’environnement et l’économie. Lors de la dernière course à la direction qui a couronné Pierre Karl Péladeau, il était tellement clair que celui-ci allait gagner que ses adversaires n’ont pas hésité à attaquer son passé antisyndical et sa relation avec Québecor. Même si le chef était presque choisi d’avance, il y a ironiquement eu davantage de débats sur l’axe gauche/droite que ne laisse présager la présente course, selon Olivier Turbide.
Le chargé de cours en histoire et en science politique à l’UQAM et à l’Université de Montréal Michel Sarra-Bournet croit d’ailleurs qu’un tel débat manque encore au parti. Ses positions sont floues sur les deux axes, mais il n’est pas capable de jouer activement sur les deux à la fois. «Jean-François Lisée affirme que le PQ va travailler comme un bon gouvernement tout en faisant la promotion de la souveraineté. Habituellement ce parti travaille en un sens, mais pas dans l’autre. Quand il est en mode bon gouvernement, il ne parle pas de souveraineté.» Lisée ne lésine néanmoins pas sur ces intentions et ces positions, comme celle sur la souveraineté ou encore le nombre d’immigrant-es, qui devrait être revu à la baisse, selon le nouveau candidat.
Tant que les candidats ne s’entendront pas sur cette question névralgique, difficile de changer de débat, d’autant plus que les cinq mois que durera la course, dont trois en été, seront moins propices à des échanges d’idées profonds. Les candidats croiseront le fer seulement deux fois en septembre lors de débats organisés, avant le vote de la mi-octobre.