On apprendra sans doute dans les prochaines semaines les réels motifs derrière cette décision subite et inattendue de Pierre-Karl Péladeau. Il y a une semaine à peine, l’ancien chef péquiste signait pourtant dans les pages du Devoir une lettre ouverte aux côtés de Véronique Hivon, appelant au rapprochement des formations souverainistes en vue de la prochaine campagne électorale. Au même moment, il remaniait son cabinet en mettant sur la voie d’accotement son premier collaborateur, l’ex-journaliste Pierre Duchesne, qui peinait à établir des relations harmonieuses avec les membres du caucus péquiste. Rien n’annonçait donc le coup de tonnerre d’hier. À n’en pas douter, Péladeau a été contraint de prendre cette décision rapidement. Une nouvelle période de turbulence s’ouvre aujourd’hui pour sa formation politique, qui peine toujours à s’imposer dans les sondages d’opinion.
Un réel changement?
Les pronostiques vont bon train sur la liste des prétendants à la chefferie péquiste. La Presse rapportait cet après-midi que le leader péquiste en chambre, Bernard Drainville, renonçait à solliciter la chefferie par intérim du parti, préférant sans doute conserver toutes ses options pour une future candidature dans les prochaines semaines. Interrogée ce matin par Alain Gravel, Véronique Hivon affirmait « réfléchir » à poser sa candidature, elle qui a bâti un important capital de sympathie politique dans le cadre des travaux sur le projet de loi sur le droit de mourir dans la dignité. Si la jeune députée représente un certain renouveau de l’image du parti, force est d’admettre que son absence de positionnement public sur de nombreux enjeux – quelles sont ses convictions personnelles en matière d’éducation ou de justice sociale? – peut soulever des questions légitimes sur sa candidature.
Celui qui ressort aujourd’hui en position de force est sans aucun doute Alexandre Cloutier, qui avait rallié près du tiers des voix lors de la dernière course à la chefferie et qui représente sans doute l’avenir du PQ. Il peut surtout faire valoir sa deuxième place et les milliers de voix portées sur son nom, contrairement à Bernard Drainville ou Jean-François Lisée qui avaient, quant à eux, préféré jeter la serviette devant l’inéluctabilité de l’élection de Péladeau. Ces derniers doivent aujourd’hui s’en mordre les doigts.
Au-delà de la chefferie, le PQ ne pourra se soustraire à l’examen de conscience esquivé par les militants lors de la dernière course à la chefferie, tant ils voulaient élire celui qu’ils voyaient comme le sauveur de la Cause. Se rappelle-t-on les huées essuyées par Bernard Drainville lorsqu’il avait « osé » poser à Péladeau des questions certes musclées, mais légitimes, alors que l’ex-président de Québecor semblait flotter au-dessus de la mêlée politique? Au lendemain du fiasco de la charte des valeurs, se rappelle-t-on l’appui unanime donné par les militants péquistes, réunis en conseil général, à Louise Mailloux, dans la cause controversée qui l’opposait à Dalila Awada?
Il ne suffit pas de changer l’image publique du parti pour prétendre représenter une nouvelle offre politique pour les électeurs. Qu’en est-il de la vision du PQ sur l’accessibilité aux études après qu’il aie coupé court au débat à l’occasion du décevant Sommet sur l’enseignement supérieur piloté par Pauline Marois en 2013? Qu’en est-il de son positionnement sur la question du salaire minimum, alors que le PQ a refusé d’appuyer la motion récemment présentée à la Chambre par Manon Massé et d’ainsi débattre de l’opportunité de le hausser à 15 dollars de l’heure? Que dire de sa navrante position sur l’exploitation des hydrocarbures sur l’île d’Anticosti?
Moins une
Le départ de Pierre-Karl Péladeau est une très mauvaise nouvelle pour le premier ministre Couillard, qui tablait sans doute sur la faiblesse et les fortes convictions indépendantistes de son vis-à-vis péquiste afin d’assurer la réélection des libéraux dans un peu moins de deux ans. Si la loi québécoise sur les élections prévoit un scrutin à date fixe à l’automne de 2018, il est toujours possible que le premier ministre puisse demander au lieutenant-gouverneur, pour un prétexte qui sera bien entendu « important », la dissolution de l’Assemblée nationale avant l’échéance prévue par la loi. En système parlementaire britannique, les lois sur les élections à date fixe n’engagent réellement que celles et ceux qui y croient! Il est moins une pour le Parti québécois s’il veut conserver ses chances en vue du prochain scrutin.