Dans le Journal de Montréal et sur les ondes du 98.5 et de CHOI Radio X, ils s’insurgent d’un supposé «double standard» du Conseil de Presse et de la FPJQ. Ils se posent en victimes d’un establishment journalistique plus sévère envers les chroniqueurs qui fabriquent des déclarations de Gabriel Nadeau-Dubois ou comparent le port du voile au KKK qu’envers un chargé de cours de l’UQAM. C’est un aveu de culpabilité tacite : « on le fait tout le temps, mais eux aussi! Eux aussi! » Et Ricochet d’être rebaptisé journal-poubelle de la gauche. Ils ne doivent pas nous lire souvent.
Martineau, Durocher, Ravary: ils étaient tous Charlie il y a un an. Martineau était tellement Charlie qu’il a publié une vingtaine de chroniques Je suis Charlie, numérotées comme une série de tableaux dans une galerie d’art contemporaine. Le magazine français n’a pourtant pas la langue pendue; à son meilleur, il réservait son fiel le plus acide – et le plus joyeusement injurieux – aux politiques, particulièrement l’extrême-droite française. Je doute que les Nicolas Sarkozy, les Marine Le Pen de ce monde apprécient les caricatures de Charlie Hebdo. Ils peuvent ronger leur frein. Quand on s’érige en défenseur de la liberté d’expression à la sauce Charlie, il faut savoir rire de soi-même.
On peut trouver que la chronique de Marc-André Cyr frise le mauvais goût (c’est mon cas). On peut trouver qu’elle va trop loin. Pour voir, dans ce texte satirique, quelque chose d’autre qu’une critique de l’oeuvre empruntant les habits du personnage relève de l’aveuglement volontaire. Si on peut reprocher quelque chose au nécrologue, c’est d’avoir donné au couple Martineau-Durocher un énième prétexte pour crier au traitement préférentiel et taper sur leur bourrique préférée: la gauche.
Jeff Fillion s’est fait montrer la porte parce ses propos portaient atteinte à une personnalité publique. André Arthur aussi. Ils n’en étaient pourtant pas à leurs premiers dérapages. Combien de temps encore auraient-ils pu sévir s’il s’en était tenu aux personnes immigrantes, handicapées, Autochtones, aux féministes, gauchistes et autres -istes? Il est là, le double standard. Tant et aussi longtemps que les souffre-douleur de Martineau ne pourront répliquer, faute d’accès aux caméras, le polémiste aura sa chronique, son plateau, d’où il pourra – à l’occasion – jouer aux vierges offensées.
Un homme qui a fondé sa carrière sur la controverse ne devrait pas s’étonner qu’on joue sur son terrain. Richard Martineau s’en prend aux plus faibles. Marc-André Cyr préfère chatouiller les puissants. Ne vous en faites pas: du haut de ses tribunes, de ses 95 300 abonnés Twitter et d’un salaire que l’on devine plus affriolant que la maigre pitance de l’équipe de Ricochet, le roi Martineau survivra à une petite dose de lèse-majesté.