Un petit groupe d’activistes appartenant aux divers groupes sociaux, communautaires et syndicaux qui forment la Coalition ont ainsi pu facilement pénétrer dans les bureaux de Revenu Québec (RQ) au Complexe Desjardins. La Coalition Main Rouge souhaitait ainsi dénoncer le fait que le gouvernement du Québec ait entériné l’amnistie offerte par l’Agence de revenu du Canada à une vingtaine de riches clients de KPMG qui avaient placé quelque 130 millions de dollars à l’abri de l’impôt canadien en vertu d’un stratagème d’évasion fiscale.

La Coalition Main Rouge souhaitait ainsi dénoncer le fait que le gouvernement du Québec ait entériné l’amnistie offerte par l’Agence de revenu du Canada à une vingtaine de riches clients de KPMG qui avaient placé quelque 130 millions de dollars à l’abri de l’impôt canadien en vertu d’un stratagème d’évasion fiscale.

Action surprise

«Il y avait quand même une certaine organisation», souligne Olivier Prud’homme-Richard, du comité logement P.O.P.I.R., qui s’étonne d’avoir pu aussi facilement déjouer la sécurité. En effet, un groupe de manifestant-e-s s’est retrouvé en début de matinée dans une salle de l’hôtel Hyatt, réservée sous un nom de code par la Fédération autonome de l’enseignement (FAE).

Constumé-e-s à la mode «hawaïenne» et portant une marionnette géante à l’effigie du premier ministre Philippe Couillard, les militant-e-s ont ensuite traversé le complexe Desjardins pour s’introduire dans les bureaux de RQ, qu’ils ont occupés pendant un peu plus d’une demi-heure afin de dénoncer l’amnistie accordée aux riches fraudeurs anonymes.

Toma Iczkovits

«On veut des noms», scandaient les manifestant-e-s alors qu’ils étaient escortés hors du bureau par des agents du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) vers 11 h 45. Les occupant-e-s sont dès lors allés rejoindre une autre manifestation devant le Complexe Desjardins en scandant : «De l’argent, y’en a dans les poches du patronat!»

Deux poids, deux mesures

Le coordonnateur du FRAPRU et co-porte-parole de la Coalition, François Saillant, dénonce les «deux poids, deux mesures des politiques fiscales» qui permettent à des millionnaires de placer leurs avoirs à l’abri de l’impôt pendant que le gouvernement «s’acharne sur les plus petits» en faisant la «chasse aux fraudeurs» à l’aide sociale ou en resserrant les règles contre la fraude dans les commerces.

François Saillant déplore surtout le «message d’impunité» envoyé par le gouvernement du Québec aux grandes entreprises et aux riches en leur offrant l’immunité face à des cas avérés d’évasion fiscale.

«Il y a des milliards de dollars qui dorment à l’abri de l’impôt», s’indigne pour sa part la co-porte-parole de la Coalition, Dominique Daigneault, du Conseil central du Montréal métropolitain de la CSN. Le collectif Échec aux paradis fiscaux estime en effet que les investissements canadiens dans les paradis fiscaux totalisaient 130 milliards de dollars en 2011.

«Il y a des milliards de dollars qui dorment à l’abri de l’impôt»

Cette situation a été abondamment documentée, notamment par la fiscaliste Brigitte Alepin dont le livre La crise fiscale qui vient a été adapté au cinéma par le documentariste Harold Crooks en 2014 dans le film Le prix à payer. Le chercheur Alain Deneault, affilié au Réseau pour la justice fiscale Québec, a également consacré un ouvrage complet à la filière canadienne des paradis fiscaux. Cet essai qui traite de la complicité du Canada dans la mise en place et le maintien d’un système favorisant l’évasion fiscale à grande échelle fait état d’une complaisance à grande échelle de la classe politique à l’égard des paradis fiscaux.

Toma Iczkovits

Des accointances douteuses

Au Québec, les trois principaux partis à l’Assemblée nationale ont été associés de près ou de loin à des stratagèmes fiscaux légaux, mais douteux. Le premier ministre Couillard a lui-même placé des centaines de milliers de dollars dans un compte offshore à Jersey, alors qu’il travaillait en Arabie Saoudite. Quebecor, l’entreprise dont le chef de l’opposition officielle, Pierre-Karl Péladeau, demeure actionnaire de contrôle a enregistré des filiales dans diverses législations de complaisance. Le parti de François Legault a pour sa part été cofondé par Charles Sirois, alors président du conseil d’administration de la Banque CIBC, une institution notoirement associée à l’évitement fiscal.

Le premier ministre Couillard a lui-même placé des centaines de milliers de dollars dans un compte offshore à Jersey, alors qu’il travaillait en Arabie Saoudite.

«Ça montre vraiment des accointances», souligne Dominique Daigneault qui souligne que la classe politique, les dirigeants des banques et des grands cabinets comptables appartiennent à «un réseau tricoté serré». De fait, après son départ de la vie politique, l’ex-vice-première ministre du Québec, Nathalie Normandeau, aujourd’hui accusée de fraude et de corruption, a travaillé comme vice-présidente au développement stratégique chez Raymond-Chabot-Grant-Thornton (RCGT). Après avoir quitté le ministère de la Santé, Philippe Couillard avait quant à lui travaillé comme consultant stratégique en santé pour la firme Sécor, rachetée par KPMG en 2012.