«C’est difficile. Ce n’est pas dès le lendemain que les gouvernements vont décider de faire débloquer nos dossiers» lance d’emblée Guy Laloche, conseiller au conseil de bande de Wemotaci. Après plus de 35 ans de négociations tripartites entre les Atikamekw, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral, il n’est pas étonnant que la déclaration n’ait pas agi comme catalyseur. À Wemotaci, on ressent l’urgence d’en arriver à des solutions. Les problèmes sociaux sont légion et les ressources disponibles ne suffisent pas : «Année après année, nos budgets sont déficitaires. Il n’y a pas vraiment d’emplois par ici, donc beaucoup de gens de la communauté sont sur l’aide au revenu. Juste avec ce qu’on dépense en aide au revenu, ça nous met en déficit. On veut bien faire du développement économique, mais on est ruiné au départ» soutient Guy Laloche.
Pourtant, la communauté de Wemotaci est entourée de ressources naturelles… qui sont exploitées par d’autres. «Du développement, il y en a, mais on regarde ça passer sous notre nez. Notre envol, il va se faire avec les ressources naturelles. Mais pour ça, il faut y avoir accès» poursuit Guy Laloche. Wemotaci n’a accès qu’à très peu de redevances sur son territoire traditionnel. Toutes les terres qui entourent la communauté sont la propriété de la ville de La Tuque, et c’est cette dernière qui perçoit toutes les taxes des villégiatures et des diverses industries. «On est les premiers habitants du territoire et c’est nous les plus pauvres. Il n’y a rien de normal là-dedans» s’insurge Guy Laloche.
La réception de la déclaration
Le chef de Wemotaci, François Néashit, avait participé à la rédaction de la déclaration de souveraineté : «Ça faisait quelques années qu’on travaillait là-dessus, et ç’a été mis de côté. Quand Constant Awashish a été élu Grand Chef de la nation Atikamekw, [remettre la déclaration de l’avant] a été l’un des premiers gestes qu’il a posés» explique-t-il. Reprise après avoir été oubliée par les gens des communautés, la déclaration a surpris quelques Atikamekw : «Chez nous, les gens parlent encore beaucoup atikamekw et plusieurs membres de notre communauté maîtrisent mal le français. Quand ils ont vu les chefs de la nation à la télévision, ils se sont demandé “qu’est-ce qui se passe là?”!» se moque François Néashit.
Pour les jeunes, la déclaration de souveraineté a aussi eu ses effets : «Les jeunes étaient très fiers et ils discutaient beaucoup sur les réseaux sociaux», observe Guy Laloche. Même son de cloche du côté du directeur de l’école secondaire Nikanik, Pascal Sasseville Quoquochi : «Quand la déclaration a été faite, c’était le grand sujet de conversation des jeunes. C’est sûr que maintenant, ils et elles en parlent moins étant donné que ça commence déjà à faire longtemps» explique-t-il.
Les effets de la déclaration
«Je te dirais que les gens vivent et vivaient déjà une certaine souveraineté quand ils pratiquent des activités traditionnelles sur le territoire», explique François Néashit. Déjà, les membres du conseil de bande de Wemotaci constatent une plus grande ouverture de la part des compagnies et des industries. Même chose en ce qui a trait à la villégiature : «On est pas là pour dire à tout le monde de partir de notre territoire. On veut une cohabitation harmonieuse. Habituellement, les touristes sont respectueux et prennent le temps d’entendre ce qu’on a à dire. On n’a pas vu de confrontation directe sur le territoire» poursuit-il.
C’est du côté des gouvernements que la déclaration de souveraineté à moins d’effets : «C’est vraiment plus difficile avec les gouvernements. La bureaucratie ralentit à peu près tout» se désole le chef de Wemotaci. Devant le mur gouvernemental, peu d’options existent : «Quand on se rend à la Cour suprême, c’est toujours en faveur des Premières Nations. L’affaire, c’est que pour se rendre là, ça va nous prendre 10 ou 15 ans, et ça va nous coûter 10, 15 millions de dollars. Pis ça, le gouvernement le sait… Mais bon, il fallait que la déclaration de souveraineté se fasse à un moment ou un autre», confie Guy Laloche.