«Ouvrez les frontières! Ouvrez les frontières!» crient les manifestant-e-s avec énergie sur le chemin de fer qui traverse le camp d’Idomeni. La place est bondée en cette journée ensoleillée. Des réfugié-e-s sont regroupé-e-s au centre, s’agitant, pancartes et banderoles à la main. Plusieurs femmes et enfants se reposent, assis sur les rails.

Des clôtures longent la trajectoire du train, séparant l’espace de la manifestation. Certaines personnes, curieuses, regardent la scène de loin. Une quarantaine de policiers sont postés à une des extrémités, prêts à intervenir, alors que de jeunes enfants s’amusent devant les caméras des journalistes.

Au milieu de la foule, un groupe de jeunes hommes dans la vingtaine discutent avec deux bénévoles. Ils souhaitent traverser la frontière illégalement dans quelques heures. Les bénévoles tentent de leur expliquer le danger qui les attend. Les jeunes sont indécis, ils veulent tout de même tenter leur chance. «Qu’est-ce que ça va changer, que je reste ici ou que je meurs en allant à la frontière?» demande un des réfugiés d’un haussement d’épaules. Son ami insiste avec une pointe d’ironie: «On peut attendre ici pendant des jours, des mois, mais après, quoi? Si la Macédoine ne veut pas ouvrir ses frontières, on fait quoi?» Des questions auxquelles les bénévoles n’ont pas de réponses.

«Qu’est-ce que ça va changer, que je reste ici ou que je meurs en allant à la frontière?»

Plusieurs réfugié-e-s ont tenté de traverser la frontière illégalement il y a une semaine. Des familles entières ont traversé la rivière gelée qui précède la frontière. Certaines sont tombées malades à attendre dans le froid pendant plusieurs heures, majoritairement des enfants. En arrivant en Macédoine, elles ont toutes arrêté par la police et renvoyées à Idomeni le jour suivant. Plusieurs personnes réfugiées ont affirmé par la suite avoir été battues par les policiers.

Une attente interminable

«Ouvez les frontières, nous mourrons tranquillement ici, ne nous laissez pas tomber», peut-on lire sur la pancarte d’un des manifestants. Ses quatre amis et lui ont réussi à rejoindre le nord de la Serbie il y a un mois. À leur arrivée au camp de Sid, les policiers triaient les réfugiés; une pratique nouvellement instaurée afin de limiter le flux de personnes réfugiées.

Catherine Bernard

Certaines étaient autorisées à continuer leur chemin alors que d’autres étaient renvoyées en Grèce. Un tri basé sur leur pays de provenance, leurs papiers ou, selon plusieurs réfugié-e-s et bénévoles indépendant-e-s, sur l’humeur des traducteurs qui aident les policiers.

«On est revenu à la case départ, on y a été forcé», déplore le réfugié d’une trentaine d’années. Depuis trois semaines, ses amis et lui sont bloqués à Idomeni, avec peu de chances de revoir les paysages qu’ils ont traversés en espérant atteindre l’Allemagne.

Pour Abdullah, l’attente est insupportable. «J’aimerais mieux retourner en Syrie que de rester ici encore un mois», déclare le syrien en parlant des mauvaises conditions du camp d’Idomeni. Il pointe derrière lui les tentes dispersées de manière chaotique à travers le camp.

De mauvaise qualité, les abris ont été inondés par la dernière pluie, obligeant plusieurs familles entières à dormir dans des couvertures détrempées. Pendant des jours, les gens pataugeaient dans la boue qui recouvrait le camp. Les files s’éternisaient devant les tentes de distribution de vêtements. Les manteaux chauds s’étant évaporés dès les premiers jours, plusieurs ont dû supporter le froid et la pluie avec des vêtements qui ne les protégeaient pas.

Catherine Bernard

Demander l’asile ou la relocalisation

À la tente d’information, quelques mètres plus loin, les bénévoles ignorent comment renseigner les réfugié-e-s sur leurs options pour rester en Europe. Dans les faits, ces derniers peuvent demander l’asile en Grèce ou demander d’être relocalisés dans un pays d’Europe, mais les procédures sont extrêmement compliquées et lentes.

Auparavant, les dossiers étaient déposés en personne à l’un des bureaux de demandes d’asile et de relocalisation. La procédure est à présent précédée d’un système d’appel via Skype. Les réfugié-e-s doivent appeler l’identifiant Skype et prendre rendez-vous pour déposer leur demande.

Ce nouveau fonctionnement ralentit énormément le processus pour les demandes et personne ne peut savoir si son dossier sera retenu ou non. De plus, certaines personnes se sont plaintes que les appels via Skype ne fonctionnent pas, malgré leurs multiples tentatives.