La première apparaît dans le sondage commandé par Le Devoir et le Journal de Montréal paru vendredi dernier. On y apprend deux choses: une coalition PQ-QS renverserait le PLQ alors qu’une coalition PQ-CAQ arriverait à égalité avec le PLQ. On apprend aussi que les électeurs péquistes se rangeraient davantage derrière une coalition avec Québec solidaire qu’une coalition avec la CAQ.
La deuxième est un peu plus discrète. Sur le plateau de Bazzo.tv, nous avons eu droit à un véritable plaidoyer pour un renouveau politique au Québec. L’ancien député péquiste Camil Bouchard, dans un texte publié dans le Journal de Montréal, fait la promotion d’une nouvelle option politique de centre gauche. Du côté du NPD, on doit jubiler. On entend souvent parler que ceux et celles qui ont perdu leur emploi suite à l’échec de la campagne fédérale souhaitent bâtir un «NPD-Québec», c’est-à-dire un parti de centre-gauche qui ne serait pas souverainiste.
Pour le moment: deux options vouées à l’échec
Une coalition PQ-QS sera extrêmement difficile à réaliser, et ce, pour deux raisons. La première est la loi sur le financement votée sous le gouvernement Marois. Former une coalition implique que l’un des deux acteurs doit se saborder, faute de financement public après l’élection. On pourrait facilement affirmer que les partis devraient s’élever et mettre de côté leur survie organisationnelle afin de faire progresser le Québec. Mais une organisation incarne deux choses: la promotion d’idéaux et la force de les défendre. Il serait périlleux pour la gauche de prendre le risque de saborder son organisation pour tout redémarrer. La deuxième est le fait que les péquistes ont choisi à grande majorité Pierre-Karl Péladeau comme chef. Il est déjà presque impensable pour les membres de QS d’accepter de se coaliser avec cet homme d’affaires et son passé. Il le sera encore davantage, considérant les pouvoirs politiques extraordinaires du nouveau politicien, qui consistent à faire échouer tout ce qu’il touche.
Créer une nouvelle organisation comporte son lot de difficultés. Il n’y a pas d’argent, il n’y a pas de légitimité et il n’y a pas de membres. La CAQ a réussi ce pari. N’oublions pas le terme Coalition dans le nom du parti. Legault avait réussi à attirer de nombreuses personnalités de différents partis. Pour l’instant, cette opération me semble plutôt difficile. Les péquistes qui voulaient mettre de côté l’indépendance l’ont déjà fait. Les personnalités qui pourraient se lancer en politique et provoquer une véritable onde de choc sont plutôt rares.
La leçon de la dernière élection
D’ailleurs, les libéraux fédéraux n’ont pas eu besoin d’une coalition organisationnelle pour vaincre les conservateurs. Rappelons à quel point les modifications législatives avantageaient les conservateurs: carte électorale remodelée, changement des règles du financement politique, changement des règles pour restreindre l’accès au bureau de vote pour les jeunes, etc.
Les Canadiens ont décidé qu’ils en avaient marre de Stephen Harper. Ils n’ont pas eu besoin d’une coalition Verts-NPD-PLC pour le renverser. Les électeurs ont décidé de former une coalition. Des souverainistes ont même voté libéral. C’est tout dire!
Je pense que si les Québécois veulent vraiment mettre fin au règne du PLQ, ils répéteront peut-être l’opération.
Les dangers du centre gauche
Les progressistes qui choisissent la voie de la facilité devraient regarder un peu autour d’eux et constater la tendance lourde qui est à l’oeuvre: le centrisme perd des plumes. Entre voter pour un parti de centre gauche et la possibilité d’élire un parti de centre droit, l’élection favorisera le parti de centre droit. Les deux options se ressemblent, et devant un choix quasi identique, l’électeur prendra la voie de la facilité: les baisses d’impôt proposées par le parti de centre droit. Évidemment, il n’existe pas de loi de la physique en politique. Mais c’est un comportement que l’on peut observer assez fréquemment.
Il ne faut pas oublier que les libéraux, eux aussi, sont en mesure de coaliser des électeurs et que la CAQ divise elle aussi son vote.
Si nous sommes de gauche et que nous voulons vraiment changer la société, les récents mouvements politiques dans d’autres pays nous montrent que le centrisme n’est plus l’unique voie à suivre. La percée surprenante de Bernie Sanders et l’ébranlement du bipartisme en Europe ne sont pas des phénomènes isolés. Ils répondent à un monde qui change, à une classe dominante qui se renforce et à une riposte des classes populaires. Le cas de Sanders est particulièrement intéressant: il nous montre qu’il est possible de faire une campagne de gauche qui parle au «monde ordinaire». Sanders ne gagnera peut-être pas les primaires démocrates, mais les sondages mettent ce «socialiste» en tête contre TOUS les candidats républicains.
Il n’y a pas que les urnes
Les mouvements sociaux se renforcent au Québec et s’éloignent de plus en plus des élites traditionnelles. La grève étudiante de 2012 a jeté les bases de l’un des Fronts communs les plus combattifs depuis 1972. N’oublions pas que nous avons vécu cet automne une grève qui a touché 425 000 personnes et une semaine de perturbation économique organisée par ce même Front commun. Il s’agit d’un signe d’un changement dans la culture syndicale qui a débuté lentement ces dernières années et qui continue d’évoluer. Les acteurs institutionnalisés de la société civile délaissent de plus en plus la concertation pour renouer avec la combattivité.
Un parti voulant occuper le spectre «gauche» de la société doit être en mesure d’incarner les différentes luttes qui émanent de cette même société. L’élite de centre gauche sera incapable de réaliser cette tâche.