La controverse soulevée par les déclarations de la ministre responsable à la Condition féminine et de sa prédécesseure est justifiée. Après tout, l’existence même de cette fonction repose sur un constat simple : il existe des inégalités entre les hommes et les femmes et celles-ci, loin de se réduire à des enjeux de motivation personnelle, sont de nature structurelle. C’est bien pour cette raison qu’il est pertinent d’en faire un enjeu politique et de nommer un membre du conseil des ministres responsable de s’atteler à la tâche de les réduire. En ramenant la question de l’égalité hommes-femmes sur le terrain des choix individuels, la ministre Thériault a donc trahi l’esprit, la raison d’être de son propre ministère.On a raison de le lui reprocher, et sa mise au point dans les pages de La Presse montre qu’elle était elle-même consciente de la maladresse de sa déclaration.
Or, si on examine la situation d’un autre angle, les propos de mesdames Thériault et Vallée n’ont, au fond, rien de surprenant. Ils sont au contraire absolument cohérents avec l’idéologie générale du gouvernement auquel elles appartiennent. Après tout, qu’est-ce qui motive l’austérité sinon la volonté de transférer sur les épaules des individus la responsabilité de leur sort? Ce jeu n’est pas à somme nulle : il permet aux très riches de se libérer de leurs obligations et laissent les plus fragiles dans l’angoisse et le dépouillement.
Le conservatisme masqué des libéraux
Le mérite de ce genre de controverse est aussi de révéler la vraie nature de ses protagonistes. Le scandale des dernières semaines a non seulement mis en lumière l’ignorance et le manque de culture politique d’une bonne portion de la députation libérale, il a aussi fait la démonstration – à ceux qui en doutaient encore – que malgré son nom et ses beaux discours de début de mandat, le parti au pouvoir à Québec est bien davantage conservateur que libéral. Comme elles semblent loin, aujourd’hui, les belles déclarations de l’été 2013, alors que Philippe Couillard confessait avoir «le cœur à gauche et le portefeuille à droite», se disait fier d’avoir été élu chef du «grand parti progressiste de notre histoire» et annonçait son intention de faire en sorte que celui-ci «soit à nouveau reconnu comme le parti le plus éthique, le plus compétent, le plus inclusif, le plus représentatif et le plus participatif du Québec».
Avec sa timide et maladroite déclaration de la semaine dernière , le premier ministre Couillard a fait la démonstration que sa réputation d’intellectuel était largement surfaite et que loin de diriger un parti «moderne, plus prêt que jamais à relever les défis du XXIe siècle », il s’inscrivait dans la continuité du virage conservateur imposé au PLQ depuis que Jean Charest en a été élu chef. On le voit également aussi dans le dossier de la légalisation de la marijuana. En politique, ce sont les actes et non les promesses qui comptent. Le soi-disant virage progressiste du PLQ de Couillard apparaît aujourd’hui pour ce qu’il est : une supercherie.
L’incapacité de ce gouvernement à assumer (ne serait-ce qu’en parole!) une étiquette aussi élémentaire et simple que celle de «féministe» confirme, sur le plan moral, ce que la radicalité des mesures d’austérité avait laissé présager sur le plan économique : les conservateurs ont peut-être été défaits au fédéral, mais ils sont au pouvoir au Québec.