Comme introspection, on a vu mieux.
Plutôt que de réaliser que leur projet est une coquille vide, ils et elles se sont dit «tiens, peignons-la pour Pâques, je suis sûr-e que ça va pogner.»
Si la souveraineté n’allume plus personne, c’est parce qu’elle reste un moyen et ce, même si on en change la déclinaison, par une assemblée constituante (Québec Solidaire) ou des «gestes de rupture» (Action Nationale).
Le problème avec le PQ, c’est qu’on ne comprend plus quelle est la fin visée. Pierre Karl Péladeau, qui affirme vouloir «l’enrichissement du Québec et des Québécois, en faisant du Québec un pays» semble penser qu’on a collectivement glissé dans la douche et qu’on s’est cogné la tête contre la céramique. Franchement, qui peut croire qu’un millionnaire véreux et anti-syndicaliste, qui fait de l’évasion fiscale à la Barbade, souhaite autre chose que de siphonner la nation? Fallait mieux traiter tes employé-e-s pis payer tes impôts, Pékachou! Too little, too late (et Christian Rioux se retourna dans sa tombe).
On n’est plus à l’époque où des francos sous-scolarisés trimaient dur, dans leur shop, à suer de la survaleur pour des anglos à moustache qui se promenaient avec des cannes au pommeau d’or dans le Golden Square Mile. Ça, c’était la lutte des classes, et il y avait un sens fort à être indépendantiste.
Si, à l’époque de la fondation du PQ, la droite (le Ralliement National, qui s’est fusionné avec le Mouvement Souveraineté-Association pour former le PQ) et la gauche (le Rassemblement pour l’indépendance nationale, qui s’est dissous en recommandant à ses membres de rejoindre le PQ) ont accepté de s’instrumentaliser l’une l’autre pour parvenir à leurs fins respectives, il en va autrement aujourd’hui. Les uns ont constitué une petite bourgeoisie francophone et votent désormais pour le parti qui saura le mieux protéger leurs intérêts. Que ces intérêts soient anglophones ou francophones, cela ne fait plus aucune différence. D’ailleurs, le salaire médian des francophones, en 2010, était supérieur à celui des anglophones. Les autres, mis devant cette nouvelle réalité socioéconomique, voient bien qu’un projet d’indépendance, à lui seul, n’assurera pas une meilleure redistribution de la richesse.
En effet, comme nous le démontre le chef du PQ, on est aujourd’hui très bien capables de s’exploiter entre nous. De plus, avec son obsession historique du déficit zéro, le parti est plutôt en train de plomber les mécanismes qui permettaient la mobilité sociale. C’est pourquoi il est étonnant de voir les jeunes souverainistes s’offusquer que, malgré leur « compressions impopulaires, les fédéralistes inconditionnels se font réélire depuis plus de douze ans. » On ne savait pas que vous étiez devenus keynésiens, entretemps.
Si l’indépendance, telle que l’imagine le PQ, ne peut pas améliorer nos conditions matérielles d’existence, qu’est-ce qu’il reste alors? En 2013, se cherchant désespérément une raison d’être, le parti a complètement dérapé avec sa Charte des valeurs. C’est ça, votre projet? Définir un «entre-nous» qui ne nous protège plus seulement du colonisateur, mais aussi de la pauvre émigrante dont on ne reconnaît pas le diplôme et à qui, malgré sa diminution totale, on prête des intentions de prosélytisme dans un délire paranoïaque total? À cause que la madame veut qu’on se mette un foulard su’a tête «[e]t puis là, dans quelques mois, c’est eux qui ont la piscine tout le temps.» Sérieusement les péquistes? La maison s’effondre pendant que vous êtes à quatre pattes sous le robinet.
Je ne comprends pas par quel processus cognitif tortueux vous avez pu conclure, de la désertion généralisée, que le problème venait de la stratégie référendaire. Si «[u]ne partie non négligeable de ce vote [péquiste] s’est déplacée dans un premier temps vers d’autres formations favorables au pays, puis vers des formations clairement fédéralistes plus récemment», c’est peut-être parce que beaucoup de gens, de gauche comme de droite, veulent autre chose qu’un œuf identitaire à manger dans leur coquille.