Tapachula est la principale ville frontalière du Chiapas et borde la frontière avec le Guatemala. Cela en fait le principal point d’entrée pour les migrant-es provenant d’Amérique centrale – majoritairement du Guatemala, d’El Salvador et du Honduras – et qui désirent se rendre aux États-Unis. Cette traversée du Mexique se fait habituellement sans grands moyens, impliquant des coûts qui ne sont pas que monétaires. Cette masse d’hommes et de femmes vulnérables est une manne pour les maras (les gangs d’Amérique Centrale œuvrant dans le trafic de drogue). Cependant, il n’y a pas que des maras dont les migrant-es doivent se méfier : les agents des affaires migratoires, la police et les militaires, eux aussi, se servent dans leur poche au passage (quand ils ne font pas pire, soit les enfermer, les maltraiter ou les déporter).

Cependant, il n’y a pas que des maras dont les migrant-es doivent se méfier : les agents des affaires migratoires, la police et les militaires, eux aussi, se servent dans leur poche au passage (quand ils ne font pas pire, soit les enfermer, les maltraiter ou les déporter).

Les migrant-es passants par Tapachula accrochent depuis longtemps le train de marchandises qui s’arrêtait à la gare de Tapachula en plein cœur de la ville. Ce train est connu partout au Mexique sous le nom de La Bestia (la bête en espagnol). Les autorités ont dû fermer la gare de Tapachula en 2005 à cause des dommages occasionnés par l’ouragan Stan. En 2014, on a cependant remis en service La Bestia, en prenant soin de construire une gare à l’extérieur de la ville. Au Mexique, on ne compte plus les victimes et les estropié-e-s de La Bestia. Ses «utilisateurs et utilisatrices» passent la totalité du voyage sur le toit; les chutes sont fréquentes et souvent fatales, sans compter l’extorsion, les pressions, les enlèvements et les violences sexuelles que les migrant-es peuvent subir de la part des maras ou d’autres badauds.

Malgré les dangers, les migrant-es centraméricain-e-s continuent toujours d’utiliser La Bestia, car il demeure un moyen économique et relativement sûr – compte tenu de leur situation – pour traverser le Mexique. C’est que les routes du Chiapas sont parsemées de barrages routiers où l’on demande systématiquement aux voyageurs et aux voyageuses de s’identifier. Il m’aura fallu personnellement passer cinq points de contrôle routiers pour quitter le Chiapas. Ce sont particulièrement les migrant-es que l’on cherche à épingler , qui sont facilement identifiables puisqu’ils et elles ne possèdent pas de visa mexicain.

Si le gouvernement mexicain agissait auparavant avec laxisme, il n’est pas rare aujourd’hui de voir des opérations des agent-es des affaires migratoires viser directement La Bestia.

En proie à une grande violence et sans papiers officiels, les migrant-es centraméricains qui décident de chevaucher La Bestia ne sont pas porté à dénoncer leurs agresseurs aux autorités. Une dénonciation pourrait les exposer à davantage de violence, qui viendrait cette fois-ci des autorités mexicaines. Cette situation n’ira certainement pas en s’améliorant puisque le gouvernement mexicain – sous les pressions du gouvernement américain, se plaignant d’une trop grande affluence de migrant-es centraméricains – a renforcé sa frontière avec le Guatemala ainsi que ses dispositifs pour déporter les migrant-es. Si le gouvernement mexicain agissait auparavant avec laxisme, il n’est pas rare aujourd’hui de voir des opérations des agent-es des affaires migratoires viser directement La Bestia. Même si aujourd’hui la frontière reste poreuse, la guerre au migrant-es est ouverte.

Cette masse continuelle de migrant-es peut néanmoins compter sur certains appuis au Mexique. Une pléthore d’organisations civiles mexicaines distribue des vivres et offre des abris temporaires dans les villes bordant le chemin de La Bestia. Ces organisations – gouvernementales ou non gouvernementales – peuvent aussi encourager et accompagner les migrant-es dans des démarches pour dénoncer leurs agresseurs. Au-delà des organisations, plusieurs Mexicains et Mexicaines vont aider les migrant-es sur une base individuelle. Après tout, avec plus de 20 millions de Mexicains et Mexicaines vivant aux États-Unis – le plus grand mouvement de population de toute l’histoire – cette population n’est pas étrangère aux aléas de la migration et à l’envie de quitter pour une vie qui pourrait être meilleure, en apparence du moins…