Le «briefing» commence, avec contacts en cas d’arrestation, règles de sécurité et stratégie afin d’aller occuper, dans un premier temps, la Canada Steamship Line (CSL), propriété récente des fils de Paul Martin, accusée d’évasion fiscale. Pendant ce temps, d’autres, ailleurs dans la ville, cibleront pour leur part le ministère des Finances, le Conseil du Trésor, ainsi que des succursales des Banques Laurentienne et RBC.

Pendant ce temps, d’autres, ailleurs dans la ville, cibleront pour leur part le ministère des Finances, le Conseil du Trésor, ainsi que des succursales des Banques Laurentienne et RBC.

Après le plan d’action dévoilé, nous nous déplaçons par petits groupes séparés au point de rendez-vous, où nous attendons le signal pour entrer à la CSL. Une fois à l’intérieur, la vingtaine de manifestant-e-s déroule sa banderole devant l’ascenseur de l’institution, sur laquelle on peut lire «le comité BAIL en colère contre l’austérité». Après la distribution d’une feuille sur lesquels une vingtaine de slogans sont rédigé, ces derniers ont tôt fait de résonner dans le hall de l’immeuble, accompagnés de sifflets et de trompettes en plastique. «Justice sociale, justice fiscale» ; «Couper les abris fiscaux, pas dans les programmes sociaux» ; «De l’argent il y en a, dans les proches du patronat» sont quelques-unes des nombreuses réclames que le petit groupe scande.

Périodiquement, on annonce au porte-voix prêté par le FRAPRU, au cœur de l’organisation des occupations, que d’autres lieux sont occupés au même moment. Presque une demi-heure passe avant que la police ne fasse irruption dans le hall, sollicitée par les employé-e-s de la Steamship, qui bousculent les manifestant-e-s et arrachent frénétiquement les affiches posées à l’arrivée de l’occupation. Une dizaine de minutes passent avant que l’antiémeute ne se place tout autour du petit groupe, accompagnée du thème de Darth Vader de Star Wars chanté par les manifestant-e-s . Un avis d’éviction est émis par les forces de l’ordre, mais le bruit des manifestant-e-s le couvre totalement. D’un commun accord, les membres du groupe décident d’obtempérer et de sortir rejoindre les autres occupations, regroupées dans une grande manifestation qui doit solder la journée et le lancement de la semaine d’action.

Des policiers entourent les manifestant-es qui occupent la Canada Steamship Line
Toma Iczkovits

Ne la voyant pas arriver, le groupuscule décide d’aller occuper, à quelques pas de là et de façon spontanée, l’entrée de l’une des succursales de la Banque CIBC. Là encore, déroulement de la banderole et slogans envahissent le hall de la tour, sous le regard amusé de quelques employé-e-s, mais soulevant la colère du garde de sécurité. L’anti-émeute met à nouveau un certain temps avant de venir déloger le groupe, qui, une fois sorti, choisit cette fois de s’attaquer à Quebecor, la porte à côté. Le corps policier suit, et évacue une fois de plus le groupe après quelques minutes de manifestation. Le groupe va finalement rejoindre la manifestation, qui arrive par la côte de Beaver Hall pour se solder par des discours de différents membres de la Coalition sur le square victoria.

«C’est à eux de payer»

Le message de la Coalition, qui regroupe «85 organisations sociales d’horizons divers» (syndicats, groupes communautaires, de femmes, de citoyen-nes etc), est sans équivoque «Budget 2016 ; c’est maintenant à eux de payer». «Le prochain budget est en train d’être écrit, et nous anticipons qu’il va annoncer un surplus budgétaire à cause de toutes les coupes que le gouvernement a faites, ce qui laisserait présager l’annonce d’une baisse d’impôts (l’une de leurs promesses électorales). Ça va permettre aux plus fortunés de faire plus d’argent. On va assister à un transfert de richesse vers le haut de la société, ce qu’on veut éviter», affirme Joël Pedneault, co-porte-parole de la Coalition Main Rouge.

La Coalition défend quatre revendications principales : réinstaurer la taxe sur le capital pour les banques ; augmenter les impôts des grandes entreprises au lieu de les diminuer encore ; revoir la fiscalité des particuliers (en augmentant le nombre de paliers d’imposition pour assurer une réelle progressivité de l’impôt) et lutter plus activement contre l’évasion fiscale.

Les libéraux sont très entêtés. Nous ne sommes même pas présentement dans un processus de négociations au niveau de la fiscalité, mais on sent certaines ouvertures.

La Coalition met sur pieds ce genre d’opérations depuis de nombreuses années, sans grand changement de la part du gouvernement. Mais selon la co-porte-parole de la Coalition Marie-Chantal Locas, «l’idée fait son chemin». Joël Pedneault renchérit «Les libéraux sont très entêtés. Nous ne sommes même pas présentement dans un processus de négociations au niveau de la fiscalité, mais on sent certaines ouvertures. Ils ne diront jamais que c’est directement à cause des mouvements sociaux, mais par exemple, une mini taxe sur les institutions financières a été annoncée à la fin 2014.» Le jeune homme ajoute que les propositions de la Coalition («10 milliards de solution») sont entendues et connues, mais que c’est surtout le rapport de force qui pourra changer la donne.

Un manifestant scande des slogans pendant l’occupation d’une succursale de la banque CIBC
Toma Iczkovits

En attendant, les deux porte-paroles se disent satisfaits des actions d’aujourd’hui. «Nous avons réussi à organiser toutes les occupations que nous voulions, sans qu’elles ne soient dévoilées à l’avance, en plus d’en avoir eu deux complètement spontanées», ont-ils affirmé.

Au delà de cette semaine d’action contre l’austérité, plusieurs actions sont prévues tout au long de la semaine, et au-delà. Des activités nationales sont organisées pour le 31 mars et le 1er mai, et d’autres suivront dépendant de ce qui sera annoncé dans le prochain budget.