La danse des « chickenhawks »

Plusieurs commentateurs politiques, professionnels du sophisme et animateurs de radio dont le modèle d’affaires se résume à stimuler le biais de confirmation de leur public-cible agitent du sabre et voient le retrait des chasseurs CF-18 comme une preuve du désengagement militaire canadien, voire un signe de faiblesse et de couardise de la part du premier ministre Justin Trudeau. La chroniqueuse Nathalie Elgrably-Lévy, qui en 2014 avait pondu un texte à propos des bombardements israéliens sur Gaza en repiquant les lignes de presse de Tsahal et pour lequel elle a récemment reçu un blâme du Conseil de presse, a qualifié le premier ministre de « déserteur ». Sur les réseaux sociaux ainsi que sur leurs tribunes, Richard Martineau et Éric Duhaime semblent au bord de la crise d’apoplexie, multipliant billets, statuts et tweets en employant l’image du calinours naïf et du hippie chantant « Kumbaya ». Tous on fait leurs choux gras de ce nauséabond exercice de gymnastique intellectuelle publié dans le Huffington Post qui fait un lien entre l’aide financière à la Croix-Rouge et à Médecins sans frontières et un « soutien à l’État islamique ».

Sur les réseaux sociaux ainsi que sur leurs tribunes, Richard Martineau et Éric Duhaime semblent au bord de la crise d’apoplexie, multipliant billets, statuts et tweets en employant l’image du calinours naïf et du hippie chantant « Kumbaya ».

Un examen un tant soit peu approfondi de cette stratégie montre que malgré le retrait des chasseurs CF-18, le gouvernement étend en fait la portée de la contribution militaire canadienne en triplant le nombre de soldats des forces spéciales chargés de la formation des Peshmerga kurdes qui combattent l’État islamique au nord de l’Irak. Des avions-citernes continueront d’assurer le ravitaillement en vol des avions de chasse de la coalition multinationale et des aéronefs équipés avec des appareils de surveillance appuieront la collecte de renseignements. D’autres soldats, aussi membres des forces spéciales, continueront de marquer des cibles sur le terrain. Le porte-parole du Pentagone, Peter Cook, s’est dit satisfait de la contribution du Canada à l’effort de guerre contre l’État islamique. En entrevue avec Embassy News, qui couvre les coulisses du pouvoir fédéral, le général à la retraite Michael Day, ancien commandant des forces spéciales canadiennes, s’est dit « confortable » avec le plan Trudeau, louangeant le fait qu’il se concentre sur une contribution pour laquelle l’armée canadienne a fait ses preuves. Les soldats canadiens fournissent un entrainement et des conseils stratégiques aux Peshmerga kurdes depuis l’automne 2014. L’État islamique a perdu un terrain immense au nord de l’Irak grâce à cette aide.

Cette idée promue par George W. Bush selon laquelle on est soit pour la guerre, soit pour les terroristes trouve preneur chez certains stratèges militaires et chez les faucons politiques pour qui les ONG neutres sont maintenant des ennemis en vertu de leur neutralité.

Pour ce qui est de l’aide financière à la Croix-Rouge et à Médecins sans frontières, ils ne prennent pas la peine d’expliquer que, selon la Convention de Genève, un combattant blessé et désarmé n’est plus considéré comme belligérant et peut donc, en principe, se retrouver dans un hôpital géré par ces organismes. Rappelons du coup que les forces américaines ont bombardé un hôpital de MSF en Afghanistan en 2015 sous prétexte qu’on y trouvait des « combattants ennemis ». Cette idée promue par George W. Bush selon laquelle on est soit pour la guerre, soit pour les terroristes trouve preneur chez certains stratèges militaires et chez les faucons politiques pour qui les ONG neutres sont maintenant des ennemis en vertu de leur neutralité.

Étrangement, on les entend peu aborder les causes de ce conflit, alors que l’État islamique étend les tentacules de son barbarisme au-delà de son fief entre l’Irak et le Levant syrien jusqu’en Libye et en Afghanistan. On ne les entend jamais réclamer la tête de George W. Bush et Dick Cheney, artisans du déclenchement de la guerre d’Irak de 2003, un conflit bidon fondé sur un tissu de mensonges et pour lequel ils ne répondront jamais d’accusations de crime contre l’humanité et appuyé, à l’époque, par l’ex-premier ministre Stephen Harper. Silence de mort aussi sur la Libye, où le Canada s’est rendu complice de l’embrasement de ce pays où la guerre civile et le vide politique qui en découlent profitent également à l’État islamique.

Si on pouvait lire l’avenir dans les feuilles de chou, certains médias pourraient se lancer dans l’art divinatoire.

Hypocrisie gouvernementale

Cela dit, l’hypocrisie du gouvernement – ou du moins son aveuglement face à sa propre politique – n’aide en rien la compréhension et apporte de l’eau au moulin des va-t-en-guerre. Le ministre de la défense Harjit Sajjan hésite à qualifier la lutte contre l’État islamique de « guerre ». Pourtant, le pays est bel et bien un acteur majeur de cette mystérieuse « guerre au terrorisme » qui fait rage depuis 2001 et qui a permis à de nombreux gouvernements occidentaux de faire sombrer leurs populations dans la dérive sécuritaire et la culture du mépris des droits de la personne. Une série de batailles qui ont embrasé le Moyen-Orient, déjà déstabilisé par des décennies de colonialisme et d’impérialisme. Un conflit qui, sans objectif clair ni stratégie de sortie, nous paraît sans fin et ressemble de plus en plus à un plan de stimulus économique pour l’industrie des marchands de mort.

Un conflit qui, sans objectif clair ni stratégie de sortie, nous paraît sans fin et ressemble de plus en plus à un plan de stimulus économique pour l’industrie des marchands de mort.

Le cercle vicieux de la guerre éternelle se poursuit donc, entrainant dans son sanglant sillage la mort de milliers de civils et le déplacement d’un nombre incalculable de réfugiés sur qui les racistes et les paranoïaques, souvent les mêmes qui sonnent le clairon de la guerre, crachent leur haine et leurs soupçons en évoquant leur confession religieuse. Une désagréable impression de déjà vu qui rappelle les pires moments de l’Histoire.

Mais comme l’a dit Éric Duhaime, mieux vaut une fausse information que pas d’information du tout.