La machine politique de Sanders va de pair avec un discours : une narration simple et efficace. Celle-ci permet de résumer simplement la situation du pays tout en ayant des propos touchant le quotidien des gens. Ce discours est répété, encore et encore, mais s’alimente d’exemples récents de l’actualité. Il met l’accent sur l’élite qui est responsable des maux du pays, le 1 % contre le 99 %. Il cible ensuite concrètement une personne ou une institution de cette élite. Il démontre ensuite de quelle façon cette élite se maintient au pouvoir : en finançant, de façon illimitée, les campagnes électorales. Il faut donc rejeter cette élite du revers de la main.

Il démontre ensuite de quelle façon cette élite se maintient au pouvoir : en finançant, de façon illimitée, les campagnes électorales. Il faut donc rejeter cette élite du revers de la main.

Voici un résumé du syllogisme de l’une des lignes médiatiques utilisées lors du dernier débat des chefs :

  • Le pays ne fonctionne pas parce que Wall Street et le 1 %, en plus d’être riches, sont en mesure d’acheter les élections.

  • Hilary Clinton a reçu 600 000$ de Goldman Sachs.

  • Il ne faut pas élire Hilary Clinton.

Finalement, comme je le mentionnais en introduction, la campagne de Sanders a pour objectif de bâtir un mouvement afin de garder mobilisée la société civile. Cette campagne n’est pas juste pour élire Bernie Sanders comme président, mais pour changer de façon durable le pays. Le candidat finit d’ailleurs souvent ses discours avec ce genre de formulation.

Bernie Sanders se démarque de la gauche traditionnelle américaine, non pas parce que ses positions politiques sont si radicales, mais parce qu’il est en mesure de construire un discours universel. La rhétorique de Sanders est un prêt-à-penser qui permet d’expliquer tous les problèmes des États-Unis en quelques secondes. Ce type de discours n’est d’ailleurs pas propre à nos voisins du sud.

Ce type de discours se bâtit dans différents pays. Au Québec, une grande partie de la rhétorique de la grève étudiante de 2012 se basait sur ce postulat. « Nous luttons contre une élite gloutonne et vulgaire », disait Gabriel Nadeau-Dubois. En Grèce, Syriza a attaqué un peu de la même façon cet establishment. En Espagne, un pays caractérisé par le bipartisme, Podemos a aussi réussi à faire une importante percée avec ce type de discours.

La faiblesse de Sanders

C’est une tendance historique : l’universel a souvent des difficultés à rejoindre les identités particulières qui vivent des oppressions différentes. Aux États-Unis, il suffit de penser à la répression policière contre la communauté noire.

La force de Sanders devient rapidement sa principale faiblesse. On le voit dans son incapacité à rallier le vote des minorités. C’est une tendance historique : l’universel a souvent des difficultés à rejoindre les identités particulières qui vivent des oppressions différentes. Aux États-Unis, il suffit de penser à la répression policière contre la communauté noire.

Cet écueil est visible concrètement sur le terrain : Clinton a une avance solide auprès des minorités, là où Sanders éprouve le plus de difficulté. C’est d’ailleurs le seul secteur de l’électorat dans lequel les intentions de vote d’Hilary Clinton continuent d’augmenter. Dans un sondage récent du Washington Post, elle est passée de 43 % à 50 % d’appui auprès des communautés noires et latinos. Rappelons qu’il s’agit d’électrices et d’électeurs qui votent massivement pour le parti démocrate.

Sanders ne semble pas avoir le même problème auprès de l’électorat féminin. Fait intéressant : certains sondages placent Sanders en tête auprès des femmes de 18 à 34 ans. Une tendance qui semble se généraliser auprès des jeunes, un public qu’Hilary Clinton a de la difficulté à rejoindre.

Certes, il est encore possible de comparer la victoire d’Obama en 2008 avec la situation actuelle avec Sanders. Une victoire surprise en Iowa avait propulsé sa campagne. Les sondages nationaux étaient similaires : Clinton menait la course démocrate avec 47 % des intentions de vote – actuellement elle oscille autour de 52 %.

Mais Sanders n’est pas Obama. S’il souhaite gagner dans une lutte à deux, il devra trouver une façon de coaliser un maximum d’électeurs démocrates autour de ses politiques. Il devra faire davantage de place aux minorités ou recentrer davantage son discours. Deux options qui pourraient lui causer des problèmes.

Mais Sanders n’est pas Obama.

« L’effet Obama », un élan donné par une victoire en Iowa serait, à mon humble avis, insuffisant pour espérer une percée dans les grands États.