C’est tout de même un progrès, alors que le gouvernement de Philippe Couillard comptait auparavant huit femmes ministres, sur une possibilité de 26. Les femmes n’avaient pas été si peu présentes au gouvernement que depuis 2002, sous Bernard Landry. C’est donc un peu mieux. Évidemment, on s’est empressé de le répéter partout; une femme, Dominique Anglade, s’est vue confier les rênes du ministère de l’Économie. Une femme dans un ministère « de chiffres »! Qu’on s’en étonne encore en dit long sur le chemin qu’il reste à parcourir…

Ce petit bond en avant dans la proportion de femmes ministres n’est pas le fruit du hasard. Philippe Couillard n’a eu de cesse répéter qu’en remaniant son cabinet, il avait accordé une attention particulière et la représentation des femmes, tout comme des régions, au sein de son gouvernement. C’est d’ailleurs en invoquant ce souci que le premier ministre a expliqué l’expulsion de Robert Poëti du conseil des ministres. Une conséquence « presque mathématique » de la représentation régionale et féminine accrue au sein du gouvernement, a-t-il dit.

Dans les médias – et je l’ai lu ou entendu presque dix fois – on a donc rapporté que Robert Poëti avait été « victime » de la volonté du premier ministre de diversifier son cabinet. Victime! Ce choix de mot n’est pas anodin. Il suggère que l’on considère encore que les postes ministériels reviennent de droit aux « hommes de confiance », et que les lubies prodiversité les en évincent. Il faudrait pourtant inverser ce raisonnement : le souci pour la diversité élargit d’un coup l’éventail des candidats que l’on considère pour un poste donné. Et soudain, ô surprise, certains hommes que l’on présumait compétents ne semblent plus à la hauteur. Ainsi, s’il faut vraiment poser en « victime » les hommes qui voient leurs postes confiés à des femmes, ceux-ci ne sont victimes de rien d’autre que de leur propre médiocrité.

Victime! Ce choix de mot n’est pas anodin. Il suggère que l’on considère encore que les postes ministériels reviennent de droit aux « hommes de confiance », et que les lubies prodiversité les en évincent.

Au lieu de présumer que les femmes accèdent à des postes d’envergure parce qu’on remplit des quotas, peut-être faudrait-il rappeler que certains hommes occupent ces mêmes postes uniquement parce qu’ils jouissent de privilèges masculins issus d’un autre siècle…

Les CPE ; le paradoxe Couillard

Philippe Couillard a témoigné d’une volonté de faire peau neuve. À mi-mandat, et après deux ans de coupes sauvages et impopulaires, il fait mine de vouloir entrer dans une phase de « prospérité retrouvée », en vue des élections de 2018. C’est ainsi qu’il s’est empressé de déclarer que le Québec avait maintenant retrouvé sa « capacité financière pour mieux soutenir les secteurs qui nous tiennent à cœur, comme l’éducation, la santé, le soutien aux familles et aux personnes vulnérables ». Il a même ajouté une touche de poésie, rappelant que « la vie n’est pas que chiffres », et qu’il faut aussi savoir apprécier notre esprit, la beauté de nos paysages et de nos créations et la force des liens qui nous unissent.

En plus d’être tout à fait creuse, cette déclaration ne manque pas de culot venant d’un premier ministre qui, depuis deux ans, travaille très fort à détruire ces liens qui nous unissent, en gouvernant le nez collé sur ses feuilles de calcul. Ils sont en effet forts, ces liens qui nous unissent, et heureusement, parce qu’il n’en resterait pas grand-chose!

On demeurera par ailleurs fasciné par la capacité de ce gouvernement à reprendre à son compte tout ce qu’on lui reproche, en l’intégrant tel quel – enrobé de quelques paroles mièvres et sans élégance – à sa stratégie communicationnelle. Mais c’est une autre histoire.

Pour lors, le gouvernement a justement entre les mains un dossier où il pourra nous faire la preuve de sa volonté de gouverner en préservant et valorisant la société. Au cours des dernières semaines, on a vu les CPE entourés de chaines humaines.
Notre réseau de garderies subventionnées est au plus mal. En novembre dernier, on annonçait que les CPE écoperaient d’une nouvelle série de compressions totalisant 120 millions de dollars, qui viennent s’ajouter aux 400 millions de dollars retranchés de leur financement depuis 2006. On note également que la modulation des tarifs, en vigueur depuis le printemps 2015, fait mal au réseau qui, pour la première fois depuis sa création, peine à trouver preneur pour les places offertes dans certains établissements, puisqu’il est maintenant plus avantageux pour les parents les plus nantis de se tourner vers le privé et de réclamer des crédits d’impôt.

Les CPE incarnent en fait tout ce que les libéraux détestent. Un service public accessible et universel, financé à travers l’impôt sur le revenu, qui incarne des valeurs qui dépassent largement les considérations comptables

Les CPE sont un pilier fondamental de notre politique familiale. Un modèle unique en Amérique du Nord, rentable, qui connait un succès fulgurant. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant : les CPE favorisent l’autonomie financière des femmes et le bien-être des familles, ils contribuent à réduire la pauvreté chez les mères monoparentales et ils offrent aux enfants une éducation préscolaire attentive, aux bienfaits durables. N’est-ce pas un exemple parfait de la beauté et de la force de notre « esprit », de nos « créations » et des « liens qui nous unissent » que Philippe Couillard dit justement vouloir préserver? Pourtant, le traitement que l’on réserve aux CPE indique plutôt que l’on préfèrerait les voir disparaître…
Les CPE incarnent en fait tout ce que les libéraux détestent. Un service public accessible et universel, financé à travers l’impôt sur le revenu, qui incarne des valeurs qui dépassent largement les considérations comptables : notre responsabilité collective à l’égard des familles, l’égalité entre les hommes et les femmes, l’éducation des enfants…

Or, le démantèlement amorcé du réseau des CPE indique que Philippe Couillard n’a que peu à faire des belles et grandes choses qu’il a mises de l’avant pour inaugurer la « nouvelle phase » de son règne. Philippe Couillard a beau brasser les cartes et changer de ton, nous ne sommes pas dupes.