La devanture de la clinique de la Croix Verte à Montréal n’est pas très sexy. Elle n’est pas faite pour l’être. Au contraire, un minimum de discrétion s’impose pour cette clinique « verte ». À l’intérieur, une odeur d’huile essentielle flotte. Aux murs, quelques affiches et un tableau périodique revisité façon « marijuana ». Mais pas de plants, ni même d’accessoires sont mis en avant dans la salle d’attente.
Ouverte depuis août 2014 par Mike et Shantal pour « répondre à une réelle demande » et surtout parce qu’ils croient aux bienfaits de ces produits, elle accueille environ 700 Québécois-e-s qui s’y fournissent en cannabis médical. Ils s’annoncent auprès de la secrétaire et attendent leur tour, avant d’être conduits à l’arrière. Les règles sont très strictes : un simple mal de tête ne suffit pas pour obtenir une ordonnance qui permet de venir s’approvisionner ici.
« En 2001, le gouvernement a fait un amendement pour permettre l’usage du cannabis médical pour les personnes souffrantes du VIH, de la sclérose en plaques, d’épilepsie, de cancer ou d’arthrose sévère », explique Shantal, cogérante de la clinique. Cette prescription, elle doit venir d’un médecin, « mais ils sont très peu nombreux à la faire au Québec, sauf si c’est dans le cadre d’études, donc on demande le dossier médical du patient qu’on étudie très sérieusement », poursuit la cogérante qui déplore également le manque de producteurs autorisés dans le pays : « Seulement 14 ».
La clinique se fournit donc auprès de particuliers, notamment ceux qui se sont vus délivrer une autorisation de cultiver du cannabis à des fins médicales en 2001. « Grâce au surplus qu’ils nous vendent, ils peuvent continuer à cultiver leurs plants pour se soigner ». La plupart des patients qui franchissent la porte de cette clinique ont plus de 50 ans. « Souvent ce sont leurs proches qui poussent leurs parents ou leur grand-mère qu’ils voient trop souffrir », explique Shantal. « Aujourd’hui, les médecins prescrivent des médicaments dont les effets secondaires sont très lourds, ils ne prennent pas en compte le bien-être du patient », déplore Mike, l’autre cogérant de la clinique.
Différents produits sont également proposés pour soigner les enfants notamment atteints de troubles épileptiques. « Nous ne les faisons pas fumer évidemment. Nous préparons des gâteaux, des suppositoires… », détaille Shantal. Quant au dosage, il est très personnalisé. « En fonction des maux, il peut varier », ajoute Mike. Avec une équipe de naturopathes, d’herboristes et de techniciennes en diététique, il s’active à préparer tous ces différents produits.
Les gérants déplorent le marché parallèle qui existe, celui de la rue, et qui n’est pas encadré. « Ce qui est dangereux, ce sont les jeunes qui ont encore leur cerveau en plein développement qui commencent à fumer. En ce qui nous concerne, nous faisons toujours tout pour éviter de délivrer le cannabis sous sa forme d’herbe à fumer. On préfère pousser les patients vers d’autres produits transformés », raconte Shantal, qui défend la légalisation du cannabis à titre médical, mais aussi récréatif. « Les gens ne se rendent pas compte combien c’est sérieux ce qu’on fait ici. On soulage vraiment les gens. Quant à la légalisation récréative, il faut rappeler combien la prohibition rend un produit intéressant. Trouvez-vous normal qu’il soit plus facile pour un jeune de trouver du cannabis dans la rue que d’aller à la SAQ s’il a moins de 18 ans? », ajoutent-ils.
L’arrivée au pouvoir des libéraux change en tout cas la donne, puisqu’ils ont promis la légalisation du cannabis. « Cela ne pourra jamais être pire qu’avec les conservateurs. On a surtout l’impression de sortir d’un cauchemar », affirment les gérants, tout en rappelant qu’il y a aussi des traités internationaux qui ont leur importance et qu’il faudra prendre en compte. « En tout cas, il y a une vague verte sur toute l’Amérique, cela rassure les patients, la discussion s’ouvre et on est plutôt optimiste. Il faudra voir comment cela s’organise », concluent-ils.