En effet, malgré l’insistance de la présidence française sur la transparence du processus, cette dernière ne se manifeste que dans les discours et les textes. Dans les faits, la société civile, identifiée par un badge d’observateur, a bien peu d’opportunités pour observer les négociations. Il suffit de jeter un œil au calendrier du jour pour remarquer que la grande majorité des rencontres indiquent « Parties only ».
Un processus transparent, vraiment?
Lors d’une séance d’information entre le président de la conférence, Laurent Fabius, et les observateurs, celui-ci a été questionné au sujet de la participation de la société civile par plusieurs groupes. Comment mener un processus qui se dit ouvert et juste alors qu’on négocie derrière des portes closes?
À cette question, le président de la conférence rétorque que cela impliquerait une logistique trop complexe, une excuse peu crédible alors que plusieurs autres rencontres sont déjà diffusées en ligne. Une autre option tout à fait raisonnable serait de déléguer quelques observateurs pour représenter les principaux groupes de la société civile dans les négociations en sous-groupes.
Un recul de la participation de la jeunesse
Visiblement, la présence de la société civile est loin d’être acquise. Les jeunes dénoncent vivement cette situation. D’une part, on souhaite la présence de la jeunesse pour symboliser les générations futures qui gèreront à la dette climatique. D’autre part, on l’écarte des processus qui se targuent d’être inclusifs et démocratiques pour aboutir à un nouvel accord sur le climat.
Quelques années plus tôt, en 2009, la jeunesse s’est vue octroyer une reconnaissance formelle par le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). En reconnaissant son statut, la constitution YOUNGO – un acronyme composé de « Youth » et « NGO » qui signifient respectivement « jeune » et « ONG » en anglais – a permis aux organisations de la jeunesse d’intervenir dans les négociations.
Depuis la conférence de Copenhague, les jeunes ont ainsi pu prendre la parole au début et à la fin des négociations pour s’exprimer vis-à-vis des parties à la CCNUCC. Cela dit, même ce droit d’intervention n’est pas acquis. À titre d’exemple, à la conférence de Doha en 2012, les remarques préliminaires ou la durée d’intervention en plénière sont passées de deux minutes à 30 secondes en l’espace d’une année. Avec quelques secondes à peine, il va de soi que la voix de la jeunesse est particulièrement limitée.
La jeunesse s’allie aux pays les plus vulnérables
Heureusement, la jeunesse n’est jamais à court d’idées pour faire entendre ses revendications, comme celle de faire des manifestations. Suite à la déclaration du Climate Vulnerable Forum, les jeunes ont organisé une action en appui aux 20 pays signataires de cette déclaration parmi les plus vulnérables aux effets des changements climatiques
Le Climate Vulnerable Forum a adopté la Manila-Paris Declaration lundi dernier dans laquelle il appelle les États membres de l’ONU à s’engager pour une décarbonisation totale et un objectif de 100 % d’énergies renouvelables (qui exclut l’énergie nucléaire) d’ici 2050 pour limiter le réchauffement en deçà de 1,5°C. En guise d’appui à cette déclaration, les jeunes manifestants ont peint un cercle sur leur visage pour symboliser un zéro, soit zéro énergie fossile d’ici 2050.
Un seuil de 1,5 °C ou de 2 °C?
En outre, si les jeunes rejettent le seuil de 2 °C, c’est qu’il signifie des bouleversements catastrophiques pour les populations les plus vulnérables. Déjà, on ressent les changements climatiques, et les besoins financiers pour l’adaptation se font de plus en plus criants.
Au Canada, un réchauffement de 2 °C à l’échelle mondiale signifierait des hausses de température de l’ordre de 4 à 7 °C d’ici 2100 selon les plus récentes études réalisées par le Consortium sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques Ouranos. Nous sommes particulièrement vulnérables face à la crise climatique et avons tout avantage à miser sur une limite de réchauffement de 1,5 °C.
Le retour du Canada à Paris
Il y a quelques jours, le Canada a annoncé un financement à une hauteur de 2,65 milliards de dollars pour lutter contre les changements climatiques. Mercredi, en plénière, le Canada a également rappelé que les droits humains devaient être au cœur de l’accord. Ces signes sont encourageants et montrent que « le Canada est de retour » pour reprendre les mots du premier ministre du Canada, Justin Trudeau.
Or, malgré un appel de plus en plus fort pour une décarbonisation rapide de nos sociétés, plusieurs pays, dont le Canada tardent à mettre en œuvre une transition vers des énergies renouvelables. Au nom de la jeunesse et des générations futures, nous espérons que le Canada soutiendra un objectif à long terme de décarbonisation d’ici 2050 dans l’accord de Paris.
Catherine Gauthier, présidente d’ENvironnement JEUnesse, titulaire d’une maitrise en droit international et politique internationale appliqués de l’Université de Sherbrooke.