Vous n’êtes pas sans savoir (j’ai fait une recherche Google pour trouver ma source, je vais maintenant devoir planter un arbre) que les internets polluent autant que les avions, sinon vous êtes aussi environnementalistes que je suis informaticienne. Évidemment, tout comme les groupes écologistes qui vous critiquent, je trouve que vous êtes un peu mal placés pour venir nous dire comment sauver le monde.

Mais surtout, au-delà de ces basses considérations de cohérence entre vos activités productives faussement dématérialisées et vos activités militantes, j’aimerais ça que tu me dises, Mark, pourquoi tu penses que la volonté politique et le financement public ne pourront, à eux seuls, permettre de surmonter la crise énergétique en cours.

Mais surtout, au-delà de ces basses considérations de cohérence entre vos activités productives faussement dématérialisées et vos activités militantes, j’aimerais ça que tu me dises, Mark, pourquoi tu penses que la volonté politique et le financement public ne pourront, à eux seuls, permettre de surmonter la crise énergétique en cours.

Commençons par le financement public, puisque ce sera vite liquidé. Dis-moi, combien avez-vous épargné d’impôt cette année en faisant de l’évitement et de l’évasion fiscaux? Sans parler de vos fondations caritatives personnelles, qui vous permettent de déplacer de l’argent vers vos propres programmes sociaux, à l’abri de toute emprise démocratique. Ce sera ma seule question.

Parlons maintenant de volonté politique. Les États-Unis sont pris avec un congrès à majorité républicaine, qui n’entérinera jamais un accord contraignant. L’Inde veut elle aussi pouvoir polluer, comme les pays riches l’ont fait par le passé pour devenir riches. Des pays d’Amérique latine, comme le Venezuela et la Bolivie, veulent poursuivre leur extraction de ressources pétrolières et gazières pour maintenir leurs programmes sociaux (aussi appelé néo-extractivisme). Alors le problème, c’est quoi? La justice sociale? La démocratie?

Si ce système politique qu’on a mis en place en tranchant des têtes – et qu’on impose maintenant aux quatre coins de la planète en lançant des bombes au hasard des choses – est rendu obsolète parce que trop lent à réagir à un monde en constante accélération, que faire? On établit une dictature climatique? On implante l’écofascisme? Ou vous allez vous occuper, toi et ta gang, de formaliser le pouvoir que vous occupez déjà et on va arrêter de perdre notre temps au bureau de vote? Parce que finalement, le marché vous a élus comme ceux (et quelques rares celles, hashtag décider entre hommes) qui ont le mieux compris que, sous le néolibéralisme, l’économique a phagocyté le politique…

En dernier lieu, laisse-moi te parler de votre « solution technologique » aux enjeux énergétiques. Ça nous rappellera qu’avoir de l’argent n’achète pas la connaissance et l’approfondissement d’un problème. Encore une fois, je ne m’embourberai pas dans de multiples démonstrations. Évidemment, vous nous rabâchez ce que les néolibéraux de l’École de Chicago nous avaient déjà bien enfoncé dans la gorge après une lutte idéologique qui a duré plusieurs décennies : le privé est tellement plus innovant que le public. À part qu’il est lassant d’entendre ce discours lorsque l’on constate que toute la recherche appliquée s’assoit sur de la recherche fondamentale financée par le public, j’aimerais que l’on se penche sur l’idée même d’innover pour faire face à la crise environnementale.

Évidemment, vous nous rabâchez ce que les néolibéraux de l’École de Chicago nous avaient déjà bien enfoncé dans la gorge après une lutte idéologique qui a duré plusieurs décennies : le privé est tellement plus innovant que le public.

Si l’on poussait cette perspective à l’extrême, on pourrait concevoir l’économie la plus propre de toutes, soit une économie entièrement dématérialisée qui ne consisterait qu’en des services. Mais tu sais quoi? Ces services-là, ce sont des humains de chair et d’os qui les fournissent, des humains qui mangent et chient quotidiennement et donc, qui polluent. Si on veut maintenir en place un système capitaliste par définition basé sur la croissance, même lorsque l’on aura inventé la semaine de 80 heures, il faudra nécessairement qu’il y ait toujours plus d’humains pour assurer une économie de services en constante croissance. Et toujours plus d’humains sur une planète finie, ça donne quoi? Oui, oui, c’est bien ça : une crise écologique. On vient de repousser le problème de quelques centaines d’années! Mais comme dirait l’autre : « Visiblement, il est plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme. »

Merci, Mark, pour ta grandeur philanthropique, mais honnêtement, tu serais plus utile à payer tes impôts et convaincre tes amis de pas voter républicain.