Goutte par goutte, l’imposante sculpture de glace d’un ours polaire se désintègre à la vue des passants au centre-ville de Montréal. L’œuvre, qui a été créée à l’occasion de la conférence de Paris sur le climat, est censée symboliser l’impact des changements climatiques dans l’Arctique, explique Sophie Paradis, directrice du Fonds mondial pour la nature Québec : « C’est vraiment pour montrer à quel point la température change. Si elle change en Arctique, c’est le niveau de l’eau qui augmente, c’est des communautés qui s’appauvrissent ou qui doivent chasser plus loin […] c’est vraiment global en fait, ça nous touche tous. »
Une population vulnérable
Pour le Canada, la lutte contre les changements climatiques est un enjeu de taille puisque 40% de son territoire est situé au nord du cercle polaire arctique. De plus, les quelques 45 000 Inuits qui y vivent sont particulièrement touchés par les conséquences du réchauffement climatique.
D’après Reinhard Pienitz : « Les Inuits sont certainement les plus fortement menacés et concernés par les changements environnementaux engendrés par le réchauffement de la terre, le dégel du pergélisol et le retrait des glaces marines, car leur style de vie et leur culture dépendent de l’existence de la couverture de glace et de neige », explique le chercheur au Centre d’études nordiques de l’Université Laval, qui observe les variations du climat dans l’Arctique depuis vingt-deux ans.
Le dégel du pergélisol est un des phénomènes qui créent des nouveaux défis pour les Inuits. « Ça entraine des tassements ou des affaissements du terrain », lance le chercheur Michel Allard, qui dirige une équipe de chercheurs dont le travail consiste à adapter les infrastructures nordiques à ce phénomène. Ce sont justement ces infrastructures qui sont les plus menacées, explique Michel Allard : « Si on est milieu bâti, si vous supportez une route ou une maison, là vous avez des problèmes de fondations. »
Menaces pour le style de vie traditionnel
Certaines activités traditionnelles des Inuits ne peuvent plus s’exercer de la même manière en raison des phénomènes provoqués par les changements climatiques. Selon Michel Allard, la fonte des glaces marines et les événements météorologiques imprévisibles créent des dangers inouïs pour les populations locales : « Quand elles s’en vont à la chasse au phoque, le temps vire beaucoup plus soudainement que prévu, la glace se fragmente, les gens partent à la dérive. Ça, c’est un risque très réel », explique-t-il.
La cueillette des petits fruits, la chasse et la pêche représentent encore une partie considérable de l’apport alimentaire des populations autochtones de l’Arctique. Mais voilà que le réchauffement planétaire change l’habitat pour certaines espèces de la faune et de la flore. En 2013, un groupe de chercheurs a mis sur pied un modèle d’évaluation qui prévoit que les troupeaux de caribous pourraient perdre jusqu’à 89% de leur habitat d’ici 2080 si les émissions de gaz à effet de serre restent stables.
Pour les Inuits, il est difficile de s’adapter à tous ces changements, estime Reinhard Pienitz : « Il y a cent ans environ, ces gens vivaient encore une vie nomade, c’est à dire avec des traîneaux à chiens et des igloos. Ils ont de la difficulté à évaluer correctement leur environnement et les changements brusques qui s’y opèrent. »
Pour sa part, Michel Allard reconnaît que les Inuits sont parmi les populations les plus vulnérables à cause de leur isolement, mais considère également qu’ils sont très résilients : « ce sont des gens très habiles, ils ont toute une histoire de vie difficile et d’adaptation à des conditions très rudes », remarque-t-il.
L’espoir pour le futur
La sculpture de l’ours polaire au centre-ville de Montréal continuera à fondre jusqu’au 12 décembre, date de fin de la conférence de Paris sur le climat. C’est ainsi que les organismes à l’origine du projet souhaitent montrer l’urgence d’agir.
Michel Allard se dit toutefois optimiste au sujet des pourparlers de Paris. Il croit même que l’Arctique sera au cœur des débats : « Pour éviter l’arrivée de cette explosion de gaz à effet de serre qui viendrait de l’Arctique, il faut empêcher la planète de se réchauffer à l’échelle globale. Donc là, l’Arctique devient centrale », affirme-t-il.
Une vision que partage Sophie Paradis du Fonds mondial pour la nature. « On ne peut pas se permettre de ne pas être optimiste », lance-t-elle, en précisant que son organisme a bon espoir que la conférence sur le climat mène à des résultats concrets. Après la COP21, le Fonds mondial pour la nature entend d’ailleurs poursuivre son combat en encourageant le gouvernement canadien à prendre des mesures appropriées pour combattre les changements climatiques.