La commissaire Charbonneau a commencé son allocution mardi matin en remerciant d’emblée les nombreux témoins qui sont passés devant la commission au cours des dernières années de travaux, les ayant amené à entendre quelques 300 témoins et étudié plus de 3600 documents : « Il leur a fallu, ainsi qu’à leur famille, beaucoup de courage et de détermination pour révéler publiquement, devant caméra, les actes de collusion et de corruption […] dont ils ont été les témoins directs. »

France Charbonneau a affirmé qu’il était nécessaire pour le gouvernent de tout mettre en œuvre pour empêcher que le crime organisé ne s’introduise pas dans l’économie légale en obtenant de contrats publics. Nocifs à long terme, ces percées de la mafia décourageraient les « vrais » investisseurs, selon la juge.

France Charbonneau a affirmé qu’il était nécessaire pour le gouvernent de tout mettre en œuvre pour empêcher que le crime organisé ne s’introduise pas dans l’économie légale en obtenant de contrats publics.

En faveur d’une loi à l’américaine

Elle s’est d’ailleurs prononcée dans ce rapport sur une question qui ne faisait pas l’unanimité il y a tout juste un an. En novembre 2014, un avocat américain, Neal Roberts, avait exposé le modèle américain du False Claims Act, permettant à un particulier, un relator, de poursuivre au nom du gouvernement, à même ses propres ressources, une personne qui a commis une fraude envers ce dernier, notamment dans le cadre d’un contrat public.

Guillaume Rousseau, professeur de droit à l’Université de Sherbrooke et spécialisé en procédure civile, voit d’un bon œil l’idée de la loi « à l’américaine », rappelant que le système de justice québécois est débordé et n’a pas toujours les moyens de poursuivre les criminels. Ainsi, l’idée que des particuliers puissent le faire au nom du gouvernement serait, selon lui, « pas si mauvaise ».

« On s’est déjà inspiré de ce qui se fait aux États-Unis pour ce qui est des recours collectifs ici et ça fonctionne bien »

« On s’est déjà inspiré de ce qui se fait aux États-Unis pour ce qui est des recours collectifs ici et ça fonctionne bien », explique M. Rousseau ajoutant qu’il pourrait donc être intéressant de s’inspirer également d’une loi comme le Fasle Claims Act pour aller récupérer des sommes qui ont le potentiel d’être substantielles. Le rapport Charbonneau cite d’ailleurs les Américains qui, entre 1987 et 2014, ont pu regagner 40 milliards $.

En novembre 2014, l’avocat Me Michel Jolin exprimait de sérieuses réserves quant à l’application réelle d’une telle loi. Il soulevait entre autres que plusieurs personnes pourraient y voir l’occasion de « gagner à la loto », ce qui engorgerait le système judiciaire.

Guillaume Rousseau n’est pas convaincu par l’argument de Me Jolin. Il pointe le fait qu’il existe dans la procédure civile québécoise un moyen de rejeter les poursuites abusives ou manifestement non fondées. « Ça permet de rejeter la poursuite au préalable et non pas après deux ans de procédures », explique-t-il.
Si le professeur de droit à l’Université de Sherbrooke soulève une difficulté dans l’application d’une telle loi, c’est celle de l’accès à la justice pour les citoyens. Il rappelle qu’aux États-Unis, pour profiter du False Claims Act, la représentation par un avocat est souvent obligatoire. « Ce sont des mesures très complexes et la représentation est très importante, ce qui engendre beaucoup de coûts. Un citoyen seul ou même plusieurs citoyens ne pourraient pas en faire énormément. Ça prend un avocat et donc beaucoup d’argent », nuance M. Rousseau.

Évidemment, certaines manœuvres sont disponibles pour des citoyens qui utiliseraient cette loi pour poursuivre une compagnie. La possibilité d’utiliser les services d’un avocat qui ne seraient payés qu’une fois le dédommagement versé par le défendeur.

En cas de défaite en cours, le rapport Charbonneau affirme que le particulier se doit d’assumer les frais par lui-même.