Lorsqu’il a participé à la manifestation contre la brutalité policière en mars 2015, Mathieu* a été pris en souricière par les policiers à peine cinq minutes après le début de la marche. Détenu pendant plus de deux heures sans savoir s’il était arrêté, il a ensuite reçu une contravention de 504$. Une contravention que l’étudiant en communications de l’UQAM a bien l’intention de contester, maintenant que l’article 500.1 du Code de la sécurité routière a été déclaré inconstitutionnel. Cet article interdit d’entraver la circulation automobile à moins d’y être « préalablement autorisé ».
« Je suis en attente de mon audience en janvier 2016. Je peux encore être condamné, mais ma défense sera facile. Je vais simplement évoquer l’inconstitutionnalité de l’article, comme l’a déclaré la Cour supérieure. Mais je m’attends à ce que la contravention soit retirée d’ici là, comme pour plusieurs autres manifestants avant moi», fait-il valoir, heureux du jugement rendu.
Mathieu est optimiste, puisque la Cour supérieure a acquitté Gabriella Garbeau, qui a reçu comme lui une amende en vertu de l’article 500.1 pour avoir participé à une manifestation contre la brutalité policière en 2011.
Le juge Guy Cournoyer renvoie d’ailleurs le gouvernement provincial à sa planche à dessin pour réécrire cet article. « Pour le moment, l’article demeure en place, mais il est déclaré invalide. Si dans six mois, le gouvernement ne l’a pas modifié, il disparaîtra, explique l’avocate de la Ligue des droits et libertés, Sibel Ataoglu, qui a piloté le dossier. Les personnes qui contestent leur contravention en vertu de ce règlement peuvent soulever ce fait. »
Contraire aux libertés fondamentales
Le juge Cournoyer a estimé que l’article donne un pouvoir trop grand aux policiers, eux qui pouvaient décider de tolérer ou non une manifestation pour laquelle ils n’avaient pas reçu l’itinéraire. L’article du Code de la sécurité routière porte ainsi « atteinte aux libertés d’expression et de réunion pacifique protégées par les chartes québécoise et canadienne ».
«Nous avons contesté l’article en disant que les policiers ne sont pas mandataires de la Ville et ne peuvent prendre cette décision politique, et le juge était d’accord », explique Sibel Ataoglu. Elle rappelle que jusqu’en 2011, les policiers utilisaient une disposition du Code criminel pour encadrer le droit de manifester. L’article 500.1 a commencé à être appliqué à partir de 2011, ce qui a mené à environ 1230 manifestations depuis, selon la Ligue des droits et libertés. À Montréal cependant, bon nombre de personnes ont été arrêtées en vertu du règlement municipal P-6.
Effet domino incertain
Plusieurs croient que le jugement de la Cour supérieure pourrait avoir un effet domino sur d’autres contestations, notamment P-6, qui interdit de manifester masqué et oblige les manifestants à fournir leur itinéraire.
En première instance, devant la cour municipale de Montréal, les policiers avaient reconnu être capables d’encadrer une manifestation sans que l’itinéraire leur soit fourni à l’avance, ce que le juge Cournoyer a rappelé dans son jugement. Deux autres contestations semblables à Sherbrooke et Gatineau pourraient évoquer ce jugement, tout comme une vingtaine de recours collectifs contre des autorités policières et municipales lancés depuis 2011.
La ministre de la Justice et procureure générale du Québec, Stéphanie Vallée, n’a pas encore indiqué si le gouvernement accepterait le jugement ou le porterait en appel.
*Nom modifié