Alors en m’installant pour voir de qui se composait le nouveau cabinet de M. Trudeau, ce même cynisme m’habitait. Je m’attendais à ce que certaines promesses soient tenues. Mais jamais dans la mesure de ce qui a été annoncé hier.

Ministre des Affaires autochtones et du Nord

Je dois avouer que la seule place que je pouvais imaginer pour un représentant autochtone, dans un cabinet canadien, était le poste de ministre des Affaires autochtones. Deux candidats me venaient à l’esprit, tous deux autochtones. J’ai été agréablement surprise quand on a annoncé que la titulaire de ce poste serait Mme Carolyn Bennett. Premièrement, pour toute l’expérience qu’elle apporte à la table. Mais tout particulièrement pour le fait que ce poste n’a pas été offert à un des dix élus autochtones du caucus libéral. Pourquoi? On pourrait se dire que donner les rênes des Affaires autochtones à un-e représentant-e des Premières Nations serait logique, mais non.

Il est important de se rappeler que les « Affaires autochtones » existent pour que le gouvernement élu, peu importe lequel, puisse avoir un représentant pour faire face à ses responsabilités et pour mener à bien les relations entre le gouvernement et les communautés autochtones. Avoir nommé un ou une autochtone serait revenu à dire ou à signifier : qu’ils règlent leurs problèmes entre eux. Message trop longtemps sous-entendu par le gouvernement de M.Harper et tout particulièrement confirmé par la présence (ou devrais-je dire l’absence) de M. Valcourt comme représentant de cette relation.

Avoir une ministre des Affaires autochtones qui n’est pas autochtone et qui se présente à son assermentation avec des plumes d’aigle et des herbes sacrées à la main annonce vraiment un changement à ce ministère et, surtout, une nouvelle ère de réconciliation. Ce qui ne pourrait vraiment pas avoir lieu si nous étions uniquement « entre nous ».

Ministre de la Justice et Procureure générale du Canada

Celle-là, on ne l’avait pas vu venir. Je dois avouer que, même dans mes rêves les plus fous, je ne pouvais imaginer qu’un tel poste soit un jour occupé par une femme autochtone. Madame Jody Wilson-Raybould, de la nation Kwakwaka’wakw en Colombie-Birtannique, avocate et anciennement chef à l’Assemblée des Premières Nations, possède toutes les compétences nécessaires pour remplir la tâche, il va sans dire. Cependant, on n’oserait pas imaginer qu’un tel poste puisse revenir à un membre de la population la plus vulnérable et à risque au Canada. Avec une telle nomination, la table est mise pour qu’ait lieu la Commission nationale sur le cas des femmes autochtones assassinées et disparues, l’une des promesses électorales les plus attendues par la population autochtone depuis l’élection du gouvernement Trudeau.

Présenter un conseil des ministres qui ressemble au Canada

La parité « Car on est en 2015… », comme l’a si bien dit M. Trudeau. Non seulement la moitié des membres de son cabinet sont des femmes, mais l’ensemble des représentants issus de la diversité culturelle n’ont pas échoué dans des postes uniquement symboliques, mais auront aussi la chance de tenir des rôles importants au cœur de ce « dream team » du gouvernement canadien. Dans le cadre d’un changement de garde, le message est clair : le gouvernement, ce n’est pas seulement « l’homme au pouvoir » mais bien l’équipe diversifiée dont il s’entoure et dans laquelle on pourra se reconnaitre. Dans ce cas-ci, bien joué monsieur Trudeau!

Ce n’est pas tout d’être autochtone…

Ce qui me marque particulièrement, c’est la présence de deux ministres autochtones. Mme Wilson-Raybould est aussi accompagnée de Hunter Tootoo, Inuk du Nunavut, qui occupera le poste de ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, un autre rôle important pour un ministre autochtone. Celle qu’il a délogée dans sa circonscription, Leona Aglukkaq, a été la première Inuk à occuper un poste au Cabinet en tant que ministre de la Santé et, un peu plus tard, comme ministre de l’Environnement.

Être autochtone n’est pas une garantie que les intérêts des communautés autochtones seront centraux ou qu’ils seront les seuls que ces ministres défendront. Les positions qu’ils occupent s’inscrivent tout de même dans un système politique de partis, très différent du système politique des réserves et communautés, système qui nous sert à élire des Chefs ou représentants qui iront défendre nos intérêts en tant que nations autochtones auprès d’Ottawa. Dans le cas de Mme Wilson-Raybould et de M. Tootoo, ils doivent, en tant qu’élus, répondre de leur parti et de leurs circonscriptions avant tout et cela, peu importe de quelle communauté ou nation ils sont originaires.

Le vrai changement

Malgré tout, aujourd’hui, j’ai décidé de mettre mon chapeau d’optimiste et de savourer la victoire. Non pas celle d’un parti ou d’un autre, mais la vraie, celle qui compte : le changement d’air. Dix ans de Parti conservateur, oubliés le temps d’une cérémonie d’assermentation. Le retour d’un parti qui a été chassé par une vague orange pour quoi encore? Dieu seul le sait et le monde s’en fout. Aujourd’hui, on voit la roue électorale tourner comme elle l’a toujours fait.

Le vrai changement, il est venu sous la forme d’une jeune fille Mohawk de 11 ans, mon amie Chelsea, qui a demandé à sa mère : « Alors, ça veut dire que je pourrais être ministre de la Justice un jour? »