Vous êtes une personne bien ordinaire, M. Arthur. On peut penser que vous avez fait vos premiers pas en célébrant votre premier anniversaire et que quelques mois plus tard, votre mère était fière de dire à ses amis que vous aviez baragouiné vos premiers mots. Le Québec ne savait pas encore combien il le regretterait bientôt.
Remarquez, je suis affligé de me dire que si ce n’était pas vous, c’en serait un autre. Et puis d’ailleurs, vous n’êtes pas seul. Vous appartenez à une armée de rhéteurs du mépris, le fiel au bout des lèvres dans vos cris étouffés, comme si vous l’étiez vraiment : excédé, enragé, outré. Parce que c’est le rôle que vous incarnez, sitôt assis derrière votre micro, quelque part dans le monde, à l’abri. Celui qui n’en peut plus de la petite misère, celui qui voudrait la mort symbolique des marginaux, des laissés-pour-compte, des gens ordinaires qui osent revendiquer un monde meilleur. Il vous suffit de les associer à la gauche (qui n’est pas une maladie), aux extrémistes (qu’ils ne sont presque jamais) pour que votre haine trouve sa justification.
Vous êtes un kapo. Un de ceux qui ont choisi le parti du pouvoir. Pour vous ce n’est qu’un show, une façon comme une autre de faire du cash. Vous êtes cynique jusqu’à la moelle et vous réclamez de l’adage odieux qu’il faut diviser pour régner. Vous semez la pagaille avec vos propos incendiaires et vous vous signez. Vous sortez du studio, saluez votre équipe le sourire aux lèvres. Vous êtes un homme gentil, au fond. Et puis vous regagnez votre bungalow, au-dessus de tout, comme si tout ce monde ne vous concernait pas, parce qu’il faut bien gagner sa croûte et qu’heureusement, il y a un dicton qui nous rappelle qu’il n’y a pas de sot métier.
En arrivant à la maison, vous vous lavez les mains de la même eau que Ponce Pilate. Vos doigts ne sont pas crasseux pourtant, il n’y a que votre langue qui soit sale, elle qui n’a fait que ça tout le jour durant : brasser de la marde. Votre réputation est peut-être entachée, certes, mais qui n’a rien à se reprocher, pensez-vous.
Et le soir vous vous glissez dans vos draps, et vraiment à ce moment je ne sais pas comment vous faites. Seul dans la noirceur, votre bungalow plongé dans le silence, le calme. Cette fois seul avec votre conscience, votre journée derrière vous, vous gagnez doucement le sommeil dans le décompte des moutons.
Pas un instant vous ne songez que ce qui a mis du beurre sur votre pain, c’est le mépris. Vous ne songez pas que votre patron ne vous apprécie que parce que vous avez l’audace de traîner les innocents dans la boue, de leur infliger une violence gratuite et, au moment où on attendait de vous des excuses, d’en rajouter.
Pas un instant vous ne songez à ces femmes que vous avez méprisées, les stigmatisant dans votre indifférence. Parce que vous n’êtes pas idiot, vous savez que le portrait que vous avez imagé ce jour-là, c’est celle d’une folle sans dents qui valait tellement rien qu’elle voulait faire une pipe à André Arthur pour 5$. Cette femme, pour vous, n’existe pas. Et ces femmes, dans votre discours, ne valent rien.
Vous savez qu’il y a des gens qui souffrent injustement, que vous seriez le premier à réclamer justice si ça devait arriver à votre fille, à votre sœur, mais à quoi bon vous y intéresser? Le monde est un show qui ne dure qu’une vie, aussi bien en tirer le maximum, quitte à ce qu’on aille un jour cracher sur votre tombe.
Hélas, vous n’êtes pas seul, M. Arthur. Un autre que vous ferait pareil, peut-être même qu’il irait plus loin encore. Mais ça n’enlève rien au fardeau de votre responsabilité. Et puis je ne crois rien de ce que vous dites. C’est impossible votre histoire, c’est une fabrication. J’ai fait la somme de vos propos, j’ai écouté vos sornettes en boucle, j’ai reconnu vos mécanismes éhontés et je me suis rendu à l’évidence : vous ne valez même pas 5$.