On doit aussi se protéger des attaques personnelles ou racistes en ligne. On met en doute, on rabaisse ou on critique tes motivations, tes alliances, tes méthodes, tes paroles, ton parcours…
Chaque jour, tu te bats pour qu’on entende ton message, pour qu’on comprenne les enjeux qui t’habitent. Ce n’est pas seulement pour avoir raison, c’est une question de vie ou de mort. C’est la différence entre profiter des avantages que t’offre une société reconnue pour sa position sur les droits de la personne ou de finir dans la marge, poussée là par plusieurs centaines d’années de dépossession et de discrimination systémique.
Je ne veux plus mobiliser, je ne veux plus quémander une commission d’enquête, je ne veux plus sensibiliser aux causes autochtones, je ne veux plus sonner l’alarme pour qu’enfin on porte attention aux causes de la population la plus vulnérable au Canada : la mienne.
Je veux pouvoir travailler pour ma communauté, aider à créer des outils et à bâtir des organismes qui ne feront pas que fournir des services de première ligne, ou qui doivent trouver le moyen de protéger leur population avec des moyens financiers qui fondent continuellement au soleil. Parce que oui, en contexte d’austérité, c’est ceux et celles du bas de l’échelle qui s’enfoncent encore plus.
Je veux pouvoir aider justement mes sœurs qui sont à risque, comme on m’a appuyée quand c’était moi qui étais à risque. Quand c’est moi qu’on a sorti de l’impasse, que des organismes m’ont ouvert des portes et donné des formations, que des militantes m’ont donné du courage, que des enseignant-e-s m’ont donné des idées. Mais quand on demande aux peuples autochtones de s’en sortir seuls, la seule image qui me vient en tête, c’est la scène tragique du Titanic qu’on regarde couler, quand l’élite est en sécurité sur son canot où il reste encore de la place pour sauver des vies. Un peu dramatique peut-être, mais on manque de canots et de mains à tendre.
Je veux pouvoir utiliser mon temps libre pour apprendre ma langue, enseigner l’artisanat, coudre la « regalia » de ma fille, voyager. Je veux pouvoir visiter ma communauté pendant mes vacances, aider à organiser un pow wow, participer aux conseils d’administration d’organismes culturels, lire la pile de livres dont j’ai seulement réussi à ouvrir peut-être un ou deux chapitres… Parce que mobiliser sur des causes, ce n’est pas un passe-temps, c’est une nécessité.
Je ne peux pas élever ma petite fille dans un Canada qui lui offre 15% plus de chances de finir sur une affiche comme des milliers de femmes autochtones disparues. Je n’ai pas le droit de laisser mes nièces chercher leur identité culturelle dans des livres. Je refuse d’attendre qu’on retrouve les femmes qui défilent sur mon Facebook hebdomadairement ou qu’on offre une justice à celles qui ont été retrouvées trop tard…
Je suis égoïste. Je veux vivre et non pas avoir peur tout le temps pour moi et celles autour de moi, qui ont elles aussi envie de ne plus lutter ou de se défendre. J’espère que mes demandes seront entendues.
Je veux une justice, une vraie. Je veux que les femmes de Val-d’Or aient droit à une enquête indépendante, que les agents de la SQ ne soient pas sous l’enquête d’autres agents de police. Parce que sinon, les témoignages de ces femmes risque d’être enterrés avec ceux d’autres femmes qui pourraient enfin avoir le courage de dénoncer.
Je suis égoïste, et j’espère que la Vigile que nous organisons le 29 octobre sera la dernière que j’aie jamais à organiser, et à laquelle je participerai, pour que débute enfin une commission d’enquête nationale sur les femmes autochtones assassinées et disparues…
Pour participer à la vigile : Vigile en appui aux femmes autochtones – Vigil in support of indigenous women