Fin de la gratuité des soins pour tous et toutes
Le gouvernement Couillard vient de mettre fin au principe fondateur de notre système public de santé et de services sociaux, à savoir, la gratuité des soins médicaux pour tous et toutes. Ce principe est au cœur de notre législation, au premier chef de la Loi canadienne sur la santé, et guide la pratique des intervenantes et intervenants. Si on pouvaient encore douter de la volonté du gouvernement libéral de poursuivre sur la voie de la privatisation du réseau de santé, il n’y a maintenant plus de raison de le faire.
Le ministre Barrette a eu l’audace de procéder à cette transformation majeure en déposant un simple amendement à un projet de loi qui traite d’un autre sujet, soit le projet de loi 20 sur les quotas pour les médecins et sur la procréation assistée, et alors que les consultations publiques sont maintenant terminées. Cette stratégie, librement inspirée des conservateurs de Stephen Harper, fait fi de toute opposition, pourtant de plus en plus vive et unanime.
C’est que rendre légal les frais accessoires envoie le message qu’il est maintenant permis de payer pour des soins, si évidemment on en a les moyens. Ce système à deux vitesses aura pour effet de mettre une pression supplémentaire sur les plus vulnérables de notre société, qui auront tendance à ne pas consulter afin de ne pas avoir à payer de tarif. Le gouvernement Couillard s’attaque ainsi au meilleur moyen de financer nos services publics, soit celui d’investir collectivement pour mutualiser les risques sociaux.
La nécessité de proposer des solutions pour notre réseau public
Mais ce que révèle surtout cette nouvelle forme de tarification de nos services publics, c’est l’urgence pour la gauche de proposer des solutions concrètes pour améliorer les services aux citoyennes et citoyens.
Il ne suffit plus de s’indigner de la volonté ferme des libéraux de privatiser notre réseau public. Pour plusieurs, l’enjeu principal est d’obtenir le service dont ils ont besoin, au moment où ils en ont besoin. Ils sont de plus en plus nombreux à être ouverts à l’idée de devoir débourser un montant pour être soigné plus rapidement.
Est-ce à dire que nous devons tourner définitivement le dos aux services publics? Au contraire. Dans la dernière décennie, le réseau public de santé et de services sociaux s’est ouvert au privé comme il ne l’avait pas fait depuis son instauration dans les années 1960. Alors que les dépenses de soins de santé privés ont augmenté pour atteindre au Québec , soit 10% de plus que la moyenne canadienne , qui peut prétendre que l’accès aux services s’est amélioré?
Il est donc plus que temps de proposer des solutions crédibles à opposer aux tenants de la privatisation. Ce constat est de plus en plus partagé par les intervenantes et intervenants du milieu. Il suffit de discuter avec des travailleuses et travailleurs du réseau pour voir rapidement émerger des propositions intéressantes pour améliorer l’accès aux services.
De nouveaux revenus pour de meilleurs soins
Il devient impératif de mettre en opposition de façon efficace les atteintes au réseau public avec des solutions à mettre en branle. Plutôt que d’imposer des compressions budgétaires qui se traduisent par des abolitions de postes et des réductions de services à la population, pourquoi ne pas s’en prendre aux sources premières des hausses des coûts en santé?
Instaurer un régime entièrement public d’assurance médicaments permettrait d’économiser des milliards en augmentant notre pouvoir de négociation auprès des pharmaceutiques. Parmi les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), seuls le Canada et les États-Unis n’ont pas de régime public d’assurance médicaments. Une telle mesure permettrait non seulement de faire des économies à même les budgets des établissements de santé, mais permettrait aussi à des milliers de patientes et patients de voir leur facture de médicaments réduite.
Une autre solution pour mettre un terme à la logique éternelle des compressions budgétaires est de racheter les contrats en partenariats public-privé (PPP) des deux centres hospitaliers montréalais, afin de reprendre le contrôle public sur les coûts. Alors que le nouveau CUSM en PPP est ouvert depuis quelques mois seulement, plus de 14 000 malfaçons ont déjà été découvertes. S’engage maintenant un cycle interminable de querelles juridiques entre l’établissement et le consortium privé pour savoir qui devra payer pour cela. Une [étude de l’Institut de recherche socio-économique (IRIS)parue en 2014 évaluait qu’un rachat de ces contrats pourrait permettre d’économiser près de quatre milliards de fonds publics.
Plutôt que de mettre au pas les pharmaceutiques et les firmes privées, le gouvernement Couillard préfère refiler la facture aux patientes et patients en légalisant les frais accessoires. Ces nouveaux revenus permettraient d’investir pour instaurer des changements visant à améliorer l’accès aux soins pour les citoyennes et citoyens. À cet effet, la priorité devrait aller à développer des services de première ligne accessibles 24 heures sur 24 et 7 jours par semaine, avec l’implication d’équipes interdisciplinaires.
Vouloir obtenir des services dans un délai raisonnable est une demande absolument légitime à laquelle le réseau public de santé et de services sociaux doit donner une réponse. Légaliser les frais accessoires ne fera rien pour améliorer cette situation. Imposer dans le débat collectif des projets pour améliorer nos services publics est une voie prometteuse pour mettre un terme à l’obsession de la privatisation.